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Iran, mehr 1397 ou la Perse éternelle (2ème partie)

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La Mosquée du Shah à Isfahan en IranVoyage en Iran, voyage dans le temps… Il y a les vestiges de Persépolis, les tours du silence et les temples du feu des zoroastriens. Il y a les palais et les mosquées à coupoles, les volutes bleues des céramiques, il y a les cités de désert, les caravansérails, les jardins et les vergers. L’Iran, au carrefour entre l’Europe méditerranéenne et l’Asie, nous offre un merveilleux héritage archéologique et culturel. Son histoire très ancienne est marquée par de nombreuses migrations, par l’installation de puissantes civilisations et a connu le premier grand empire mondial sous Cyrus. La Perse est le berceau d’une des plus vieilles nations de l’histoire.

Voyager en Iran, au-delà de la fascination pour les sites historiques et la beauté des paysages, c’est aussi découvrir le mode de vie des Iraniens, un peuple attaché à ses traditions mais également épris de modernité avec une jeunesse frondeuse, avide de liberté. Derrière le voile de la république islamique, une des plus riches civilisations au monde, au passé et au présent, se cache un peuple souriant et hospitalier, curieux du monde.

Une trace supplémentaire s’est inscrite en 2018.

                                                                                                          15/09-19/10/18                                                                                                                                                                                                    13’744 km

14ème jour en Iran: Yazd – Ispahan

Yazd est une ville minérale, sèche et… chaude, une oasis dans le désert. Curieux, nous nous rendons au jardin Dolat Abad. Il fait partie des neuf jardins iraniens inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. C’est au 18ème siècle que ce fastueux jardin a été implanté dans la cité historique pour le roi perse Karim Khan Zand. Il est typique des jardins persans, très structuré, avec ses canaux, ses bassins, son pavillon, son mur d’enceinte et surtout, sa plus haute tour du vent en brique du monde. C’est une orgie de verdure au cœur du désert.

Tour du vent au jardin Dolat Abad à Yazd en Iran

Mosaïque dans la tur du vent du jardin Dolat Abad à Yazd en Iran

Les jardins Dolat Abad à Yazd en Iran

Tour du vent au jardin Dolat Abad à Yazd en Iran

A Chak Chak, surgis du passé, les Zoroastriens continuent, en leur temple, d’honorer le feu, l’eau, l’air et la terre. Le principal lieu de pèlerinage zoroastrien d’Iran se situe à un peu plus de 70 km au nord-ouest de Yazd, à la lisière sud du Dasht-e Lust. Le Temple du Feu Pir-e Sabz, creusé en haut d’une paroi rocheuse s’orne d’une magnifique porte en cuivre dotée d’un bas-relief de Zoroastre, et surplombe un paysage impressionnant. Des milliers de pèlerins y affluent chaque année. On accède au temple par un long escalier serpentant dans les rochers. La chaleur est étouffante, le rythme d’ascension est lent… Puis vient l’apogée, le sommet, où là nous n’avons plus de mots, plus de souffle. Haletant, nous pénétrons dans la grotte, espérant y trouver un brin de fraicheur.

D’après la légende, la princesse sassanide Nikbanuh se réfugia sur le site en 637 pour fuir l’invasion arabe. À court d’eau, elle jeta son bâton contre la falaise et l’eau jaillit. Le nom de Chak Chak évoque le bruit des gouttes qui tombent.

Le temple zoroastrien de Chak-Chak proche de Yazd en Iran

Nous quittons la fraicheur de la grotte pour notre destination du jour, Isfahan. Imaginez une route étroite, en pleine région semi désertique, bordée de montagnes fauves, 300 km de paysages désertiques, dans des plaines écrasées de soleil, sans l’ombre d’un village.

Paysage désertique en Iran

Isfahan est la ville la plus religieuse d’Iran. C’est aussi la plus ancienne, la plus symbolique, la plus bleue. Des milliers de mosaïques de faïence bleu recouvrent la ville, les portes des bâtiments, les perles des colliers, les murs patinés du bazar. Il faut voyager jusqu’ici pour découvrir cette couleur inimitable, le bleu persan. Mais pour l’instant, nous recherchons un logement confortable, pour deux nuits, car nous souhaitons découvrir les richesses d’une ville qui a su conserver le souvenir prestigieux de la dynastie des Safavides. Nous logeons au Setareh Hotel. Un confortable établissement situé non loin de la place Naqsh-e-Jahan.

En soirée, nous faisons notre première visite, le pont Si-o-se Pol, pont “aux trente-trois arches”. C’est un des deux ponts les plus célèbres de la ville, lieu de promenade fréquenté jour et nuit. Son illumination étant très réussie, l’ambiance est magique et paisible. A la nuit tombée, les gens se regroupent sous les arches des ponts de la ville, pour discuter, fumer, manger, et… écouter les chanteurs ! En effet, les arches sont propices au chant, et il s’en dégage une atmosphère chaleureuse et populaire !

le pont Si-o-se-Pol à Isfahan en Iran

Autrefois, le Zayandeh Rud, (le “fleuve fertile” c’est qu’ils sont poétique ces iraniens) traversait Isfahan. La ville s’étendait de part et d’autre de ses rives, l’enjambant au moyen de 11 ponts majestueux. Aujourd’hui, le fleuve est tari, une grosse partie a été détournée pour irriguer Yazd, et la sécheresse récurrente a fait le reste. L’eau ne revient que de rares fois par an. L’assèchement du fleuve laisse souvent place à une terre craquelée où se reflète, désormais, la nostalgie d’un temps où l’eau coulait sous les arches. 

Vue nocturne du pont Si-o-se-Pol à Isfahan en Iran

15ème jour en Iran: Ispahan

Mon premier objectif de la journée est de trouver un barbier. Il est temps de retrouver une coupe plus adaptée. Chose dite, chose faite, et c’est une bonne partie de rigolade avec le coiffeur qui, dans un premier temps, estime qu’il est dommage de sacrifier une si belle toison…

homme barbu

Tout beau, je m’engouffre ensuite dans les coursives couvertes du gigantesque bazaar. Un ensemble de petites ruelles labyrinthiques, recouvertes de petites coupoles de brique, donnant une certaine élégance architecturale à cet immense marché couvert. On trouve parfois des puits de lumière aux sommets des coupoles, pour amener un peu de luminosité naturelle jusqu’en son cœur.

En marchant d’un pas lent, les muscles ramollis par la chaleur, je me rends compte que je passe complètement inaperçu. Je me fonds dans le décor.  Le commerce est au cœur de la ville et les Iraniens ne se préoccupent pas des quelques touristes curieux qui s’arrêtent devant les boutiques. Ils vendent. De temps en temps, l’un d’entre eux appuie un regard plus soutenu. Un regard intimidateur, dur et tendre à la fois, si propre aux Iraniens, qui se termine toujours par un sourire bienveillant. La ville, endormie, ramollie par les rayons du soleil de la journée, s’éveille en début de soirée. Les échoppes aux façades entièrement ouvertes s’animent, les vendeurs d’épices plongent leurs bras dans des sacs de jute blancs et y sortent des épices dorées.

Le Bazaar autour de la place de Naghsh-e-Jahan à Isfahan en Iran

De part et d’autre de toutes ces ruelles, de petites échoppes, boutiques et ateliers d’artisanat viennent jouer leur rôle économique. Tout est bien rangé, bien organisé. Très peu de déchets traînent par terre, même du côté des primeurs. Tous les magasins sont regroupés par type de produits. Les produits frais, dont la rotation est importante, sont situés près des accès principaux, tandis que les bijoux et produits précieux sont, en revanche, vendus dans le centre du bazaar. Et puis le lieu est, finalement, relativement silencieux. Les marchands ne hurlent pas pour attirer le client, bien au contraire. Tout le monde agit et parle dans le calme. Et il n’y a guère que le bruit des porteurs kurdes, aux pantalons bouffants, qui ne cessent leur ballet dans les allées, s’épuisant à pousser ou remorquer des chariots particulièrement volumineux.

Le bazaar autour de la place Naghsh-e Jahan à Isfahan en Iran

Dans cette pléthore d’échoppes, il me reste à trouver le nabat, le sucre typiquement iranien. Il s’agit d’un bâtonnet de cristaux de sucre au safran, qu’on utilise pour touiller le thé tout en le sucrant à sa guise. C’est une divine sucrerie. Au moment de payer, je me mélange les pinceaux avec la monnaie car, ils annoncent les prix en toman et non en rial.  Les billets sont une déclinaison de vert et se ressemblent tous. Avec 100 euros, l’inflation galopante fait de moi un millionnaire. Un large sourire plus tard, me voilà riche de plusieurs sortes de sucrerie.

En Iran, le pique-nique est un phénomène social à part entière ! Toutes les occasions sont bonnes pour en organiser et partir dans la nature, sortir dans les parcs en ville, au bord de la mer, en montagne. Certains emmènent même théière, tapis, mini barbecue, gaz et s’installent à même les trottoirs, pour vous dire à quel point il est une institution en Iran ! Les espaces verts de la place Naghsh-e Jahan bordant le bazaar sont pris d’assaut par les familles iraniennes qui installent leur natte pour se restaurer. 

La Place Naghsh-e Jahan à Isfahan en Iran

Un vieil homme m’aborde poliment. Il souhaite converser tant bien que mal en anglais. Il est à la retraite et possédait une petite boutique. C’est l’occasion de découvrir la réalité économique de quelques iraniens. Son sourire est transperçant. Il m’invite à rejoindre sa famille pour partager un gâteau. Quelques échanges et une énorme accolade plus tard, je rejoins Dom.

Le périmètre de la place Naghsh-e Jahan est délimité par des arcades sur deux niveaux abritant des boutiques au rez-de-chaussée. Elle est entourée par quatre bâtiments importants : le bazaar au nord, la Mosquée du Shah au sud, la mosquée du Cheikh Lotfallah à l’est et le Palais Ali Qapu à l’ouest. Des jardins et des fontaines finissent d’en faire un lieu de promenade très agréable.

la Place Naghsh-e Jahan et la Mosquée du Shah à Isfahan en Iran

Le Palais Ali Qapu à Isfahan en Iran

C’est une des deux plus grandes places au monde, après la place Tian’anmen à Pékin. J’ai été subjugué par la beauté de cette gigantesque place rectangulaire datant de 1602, bordée d’arcades et de portails grandioses. Assis au bord de la grande fontaine, plusieurs iraniens, curieux, viennent me poser des questions sur mon pays, sur ce que je pense du leur… Certains parlent un anglais approximatif, pour d’autres, il est parfait. Ils sont complètement fans des réseaux sociaux notamment d’instagram, les demandes de selfies fusent, nous échangeons nos adresses…

Isfahan est aussi la référence en terme d’artisanat. Nous sommes invités à prendre le thé par un marchand de tapis, il est bien conscient que nous ne repartirons pas avec l’un de ses précieux objets, mais il souhaite simplement nous accueillir et pratiquer son français, qu’il maîtrise d’ailleurs à la perfection. Une fois de plus, ce fut un échange très riche !

Nous poursuivons la visite par la majestueuse Mosquée du Shah, qui occupe le Sud de la place. Le portail d’entrée est aligné avec l’axe Nord-Sud de la place, alors que la mosquée elle-même est dirigée vers la Mecque, ce qui crée une différence d’alignement par rapport à la place. La salle de prière principale est extraordinairement grande, Elle nous subjugue par ses détails, la hauteur et la circonférence de son dôme ! C’est de loin ce que nous avons vu de plus impressionnant ici. Au milieu, pile sous la coupole se trouve une pierre noire. Un guide montre à des touristes à quoi elle sert, et c’est incroyable : quand on se tient à cet endroit précis et que l’on parle fort, les murs renvoient l’écho de votre voix sept fois de façon très distincte. C’est très impressionnant !

La Mosquée du Shah à Isfahan en Iran

La Mosquée du Shah à Isfahan en Iran

La Mosquée du Shah à Isfahan en Iran

Il restait Masjed-e Sadr ou la mosquée du Sheihk Lotfollah pour finir. Trônant sur la place, celle que l’on aurait du visiter en premier s’est retrouvée reléguée au dernier plan. Le meilleur pour la fin? C’est qu’elle est surprenante cette mosquée. Il n’y a pas de cour, un long couloir sombre, un dôme et l’absence de minarets, inutile puisque seule la famille royale avait accès à cette mosquée. La décoration intérieure de la coupole est remarquable par l’utilisation de la lumière venant de l’extérieur, dont le reflet sur la coupole trace la queue d’un paon, emblème royal persan. Je reste un long moment, assis adossé au mur à contempler les rayons du soleil qui s’y faufilent, attendant que les spectres de lumière disparaissent… ou réapparaissent.

L'intérieur de la Mosquée Sheihkk Lotfollah à Isfahan en Iran

Déambuler dans Ispahan est comme un voyage intemporel… On découvre une ville extrêmement agréable et douce à vivre. Verdure, fontaines, jeux pour enfants et atmosphère détendue font le bonheur des badauds. Bien loin de l’image qu’on s’en était faite avant d’y poser nos deux roues. 

Le Pont Khaju à Isfahan en Iran

Le soleil commence à décliner sous l’horizon, nous nous rendons au pont Khaju. Une fois la nuit tombée, nous retournons découvrir la magie de la place Naghsh-e Jahan. Véritable cité des mille et une nuits, Naghsh-e Jahan peut être considéré comme étant une image du Paradis !

Vue nocturne de la Mosquée Cheikh Lotfallah à Isfahan en Iran

Iran
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16ème jour en Iran: Isfahan

Nous sommes invités par un couple d’iraniens rencontré hier pour partager le repas de midi. A l’heure dite, nous sommes accueillis à bras ouverts. Toute la famille est présente: la tante, la grand-maman, les enfants, l’amie du couple et son compagnon… Tous sont là pour nous recevoir, un large sourire illuminant leur visage.

Vie familiale en iran

Quand vient l’heure de manger, le sofreh, une nappe traditionnelle est déposée sur le tapis du salon. Les plats et les assiettes sont disposés tout autour. On s’assied par-terre pour se “mettre à table”. Nous nous devons de goûter tout ce qu’on nous propose à boire et à manger. Le riz au safran, le gormhe saabzi et la soupe Oshe sont un vrai délice. Je me soustrais poliment au dough ayant déjà fait l’expérience de cette boisson à base de lait.

un repas traditionnel iranien

Outre leur sens de l’accueil légendaire, nous leur demandons pourquoi ils sont tous aussi aimables avec nous. Tout simplement, parce qu’ils sont heureux qu’on vienne découvrir leur pays et leur culture. Ils sont très préoccupés et accablés de ce que les préjugés renvoient de leur image à l’étranger. A plusieurs reprises, ils ont insisté  sur le fait que nous devons, une fois notre voyage terminé, transmettre: “qu’il ne sont pas des terroristes”, “qu’ils n’ont rien à voir avec eux”, ” que c’est un peuple gentil”. Parfois, je m’étonne de ce que je vois, de ce que je découvre de leur quotidien. A chaque fois, on me répond “qu’il faut regarder et ne pas croire ce qu’on nous a dit”

En ce qui nous concerne, nous avons pris une belle leçon de vie, une de celle qui ne nous laisse pas indifférents, celle qui secoue et qui nous touche au plus profond.  Il faut se rendre à l’évidence, nous autres occidentaux, nous avons quelque peu perdu le sens du mot hospitalité.

SALAMATI !!!! amis iraniens

une famille iranienne

17ème jour en Iran: Ispahan – Maranjab

Nous laissons Ispahan derrière nous avec quelques regrets pour nous enfoncer un peu plus dans la montagne. On fait un crochet par le petit village d’Abyaneh près de Kashan connu pour son architecture traditionnelle et ses maisons en pisé. La route qui y mène est saisissante et les paysages sont grandioses !

Le village d'Abynaeh dans la province de Kashan en Iran

Ce qui fait le charme d’Abyaneh, en plus de son dialecte et des tenues des habitants, c’est l’architecture du village en lui-même. Toutes les maisons sont regroupées, voire entassées sur les flancs de la montagne, les ruelles sont étroites et sinueuses. Les murs sont en terre, en argile ou en torchis. Rouges comme la terre d’ici.

Mur en pisé du village d'Abyaneh en Iran

En ce moment à la basse saison, toutes les maisons sont fermées, on se demande où sont passés les habitants. Une curiosité qui attire notre attention, ce sont les heurtoirs des portes ! Chaque porte de maison est équipée de deux heurtoirs différents pour frapper et annoncer sa venue. La raison est toute simple : il y en a un pour les hommes et un pour les femmes ! Chaque heurtoir produit un bruit différent, ce qui permet à la maitresse de maison de savoir qui se cache derrière, et ainsi de savoir si elle doit se couvrir ou pas ! 

Dans le village d'Abyaneh les portes ont deux heurtoirs

Dans le cadre de notre trip en Iran, il est aussi particulièrement agréable de profiter de la beauté du désert, ou plutôt des différentes formes que prend le désert ici. Désert de sel, désert de poussière et de rocailles, dunes de sable. Et en prime, lorsque la piste nous conduit à un magnifique caravansérail situé tout proche d’un lac salé, il ne nous en faut pas plus pour nous convaincre d’y faire une petite visite.

Arrivés au bout de la route, là où commence la piste, un check-point. Prétextant la possibilité de nous perdre, impossible de passer sans payer une taxe ainsi qu’une escorte. On négocie ferme la transaction et nous voilà partis. La piste commence par une relative longue section en “taule ondulée”. A mesure que nous trouvons le rythme de roulage, nous perdons notre guide qui au volant de son 4×4 est sensé nous indiquer la bonne piste à suivre. Nous faisons une première pause photo au sommet d’un large plateau nous offrant une vue magnifique sur le paysage alentours.

Nous sommes venus par là… et, c’est… par là que nous devons continuer!! Et ça, c’est une autre histoire…

le désert Dasht-e Kavir en Iran

Nous avançons lentement sur la piste parfois très sablonneuse. Nous maintenons notre engin, qui a tendance à nous échapper, au pris de gros efforts. L’horizon s’étend à perte de vue et le regard ne bute que sur les dunes, ou sur des… dromadaires qui traversent la route.

le désert Dasht-e Kavir en Iran

Ici, les dunes ondulent en un relief velouté et le vent a sculpté le paysage au rythme de crêtes et de sillons impressionnants.

le désert Dasht-e Kavir en Iran

le désert Dasht-e Kavir en Iran

Fougueusement chaud, le désert se livre au fil de notre avancée. A mi parcours, les dunes de sable dignes du Sahara, nous font face. Akhtar, notre escorte, nous propose de grimper dans son véhicule pour gravir une gigantesque dune. Ici, même les 4×4 s’enlisent.

le désert de Dasht-e Kavir en Iran

Depuis le sommet, on observe le paysage lunaire du Namak Lake d’un côté et l’infini sableux de l’autre.

le désert Dasht-e Kavir en Iran

le désert Dasht-e Kavir et le Namake Lake en Iran

Le jour décline et il nous reste encore plusieurs kilomètres à parcourir. Sans plus attendre, on se remet en route. C’était magique de tomber nez à nez avec un sublime caravansérail au milieu de nulle part. Utilisé dans les siècles passés par les caravanes de marchands comme lieux sécurisés où y passer la nuit, cette bâtisse carrée nous servira de refuge pour l’instant. La plupart sont ouverts au vent, abandonnés en plein désert. De la solitude des lieux se dégage un parfum d’aventure, de commerce, d’épices et de tissu. Propices à l’imaginaire !

L’obscurité plonge, peu à peu, le désert dans le noir. Les étoiles scintillent, le ciel brille de mille feux. On évoque les péripéties de la route, les souvenirs qui restent. Le caravansérail est composé de plusieurs chambres réparties autour d’une grande cour ouverte à l’intérieur. N’allez pas imaginer un luxe quelconque. Ce soir, nous dormirons à même le sol.

Pas un mot, pas un bruit. On écoute simplement le silence. On se repose des péripéties de la journée. On est bien ici. Persuadés que nous jeunerons jusqu’au retour à Kashan, nous nous partageons quelques biscuits secs. C’est peu, c’est frugal, mais c’est ” le désert”. Et c’est alors que les locaux nous apportent un repas inespéré. Le riz n’a jamais était aussi délicieux…  

un repas traditionnel iranien

18ème jour en Iran: Maranjab – Gougued

un caravansérail de Maranjab dans le désert de Dasht-e Kavir en Iran

Nous quittons le caravansérail de Maranjab pour les surprenants paysages du Namak Lake. Rouler sur un lac salé relève de quelque chose d’improbable. Une luminosité extrême qui brûle les rétines, le soleil qui cuit la peau, ce goût salé dont on ne peut se défaire, cette étendue immaculée sans horizon… , ça c’est ce que j’imaginais avant de connaître le Namak Lake!  En fait, c’est d’abord un choc sensoriel que l’immensité rend encore plus violent, c’est également un paysage magnifique. Au loin, un horizon blanc à perte de vue, au sol, le sel forme de petites dalles octogonales qui craquent sous les pieds ! Surprenant ! Mais ici, le sable rivalise avec le sel et les auréoles de sel se teintent d’ocre.

alvéoles de sel dans le Namake Lake en Iran

alvéoles de sel dans le Namake Lake en Iran

alvéoles de sel dans le Namake Lake en Iran

Nous repassons du sel au sable, et reprenons la piste pour avancer plus en profondeur dans le désert.

plaisire de la moto dans le désert Dasht-e Kavir en Iran

Après les joies du sel et du sable, le plaisir “d’une bonne mousse” ne se discute pas, surtout en Iran.

Lavage de la moto en Iran

Le ciel se couvre. Il règne une atmosphère étrange, grise, noire, lourde. Et d’un seul coup, le ciel nous tombe sur la tête. Dans la même seconde, on trouve un abribus salvateur. Ce sont des trombes d’eau qui s’abattent. En quelques minutes, les caniveaux débordent, la route se transforme en un lac mousseux. Aussi soudainement arrivée, aussi rapidement partie, la pluie a cessé.

une pluie diluvienne en Iran

La température s’est considérablement refroidie. Nous faisons halte dans une petite pâtisserie. Comme d’habitude, les motos attirent les badauds. En quelques minutes, nous sommes entourés par une dizaine d’Iraniens. Tous veulent nous aider, bien que nous ne leur ayons rien demandé. L’un veut nous indiquer la route à suivre, un autre nous offre nos pâtisseries, d’autres encore veulent nous offrir le gîte. De suite, se dégage du groupe un Iranien que se veut plus insistant que les autres. Il nous propose de nous héberger pour la nuit. Il est encore très tôt, mais la proposition est alléchante.

En Iran, il est d’usage de refuser plusieurs fois une invitation, ou bien d’insister auprès des commerçants pour payer. C’est le taarof iranien, une codification des relations sociales, liée à un sens fort de l’hospitalité. On le retrouve dans bien des aspects de la vie quotidienne. L’usage veut que nous refusions la proposition afin que notre hôte puisse insister, encore et encore. Au-delà de trois refus, on peut considérer que la personne le souhaite vraiment et que l’invitation est sincère. S’il stoppe avant, ce n’est que pure politesse, le taarof.

Respectant le taarof, nous refusons la proposition à moult reprises pour finalement s’entendre. Le voilà prenant la place du “sac de sable” à l’arrière de ma moto et nous filons chez lui où il nous offre un tchai. Notre hôte ne s’exprime pas bien en anglais, la communication n’est pas aisée. Dans la “conversation”, il s’enquière régulièrement sur nos besoins de changer de l’argent. On s’interroge! Nous sommes-nous bien compris? On s’assure une nouvelle fois de son intention. Finalement, il nous suggère que nous dormions à l’hôtel!! Ce changement d’attitude nous étonne. Nous resterons sur nos interrogations et nous le quittons poliment.

Maintenant, il se fait tard! Il nous faut impérativement trouver un hébergement. Germaine, le gps nous sauve la mise. Il y a un hôtel à Googad. Le Castel Hotel est un magnifique caravansérail rénové et transformé en hôtel. Un luxe pour un soir.

19ème jour en Iran: Gougued – Khorramabad

La route fait de très longs lacets surplombant des gorges profondes. En même temps que nous descendons, la végétation se fait plus dense. Cette descente magnifique semble pourtant presque interminable, le dénivelé finit tout de même par s’atténuer. On s’arrête quelques minutes au bord de la route pour une séance photos. Jeux de lumière et de textures, ces paysages mobiles, graphiques et poétiques attirent l’œil des amateurs de photographie. Ici lacs, verdures, collines et fraicheur ont remplacé les paysages désertiques du sud.

Iran
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Une piste magnifique nous amène à Aligudarz. Le paysage de cette région de l’Iran est plus verdoyant, tacheté de petites parcelles de blé mûr, de lopins de terre labourée, ou de vergers. Vert et boisé, irrigué et fécond, ce petit paradis des hommes se prolonge. Imaginez de petits jardins où poussent de verdoyants pistachiers, à l’ombre de montagnes ocres et austères. Très bucolique comme ambiance.

Iran
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Paysages et forêt de chênes en Iran

20ème jour en Iran: Khorramabad – Kermanshah

Une route, quelques kilomètres rapides, longeant la magnifique chaine montagneuse qui se dresse sur notre droite. Des pentes abruptes qui scintillent dans le soleil matinal. Ce sont justement elles que nous abordons quand nous prenons la route de Kermanshah. C’est impressionnant, un décor très rude et austère, violent en un sens, car nous montons, montons et pourtant rien ne change ou presque si ce n’est l’aridité du sol qui semble encore se renforcer. La route est belle et depuis les hauteurs, on aperçoit le fond de la vallée marquée par un peu de verdure grâce à un maigre cours d’eau. Ce vert émeraude si fort, véritable oasis au milieu de ces terres arides, illumine le fond de vallée. Le contraste est franc.

Paysage iranien

Les pentes sont absolument désertiques. A peine quelques broussailles, un ensemble purement minéral, nous sommes entourés de cimes de plus de 4000 m d’altitude. Et moi qui m’étais imaginé l’Iran comme étant un pays plat!! C’est magnifique, et nous montons encore. Finalement, une inflexion se produit et une descente s’amorce, et là c’est déjà un tout autre décor. Des collines pleines de chênes qui se marient avec des champs de céréales de couleur paille.

Paysage iranien

Paysage iranien

Paysage iranien

21ème jour en Iran: Kermanshah – Baneh

A flanc de falaises, la route sillonne la montagne de village en village. Perchés sur les hauteurs, à plus de 2000 m d’altitude, on découvre les cultures en étages, les jardins en terrasses où poussent de maigres récoltes. Les paysages sont merveilleux. Le Kurdistan est un trésor caché comme aiment le dire les habitants ! On traverse de nombreux villages, disséminés dans les vallées. La plupart sont construits à flanc de montagnes. Les maisons, juchées sur une colline verdoyante, sont vieilles mais résistantes. La terrasse d’une maison est aussi le toit de celle d’en-dessous !

Village kurde en Iran

Nous bénéficions d’un superbe panorama sur les montagnes aux alentours, avec leurs nombreuses strates brunes, régulièrement espacées et inclinées, et les nombreuses nuances d’ocre, de jaune, de rouge, d’orangé tout autour.

Dans le kurdistan iranien

A Marivan, nous tutoyons la frontière irakienne, l’armée est très présente dans la région. Sur la place du village, on sirote notre thé et les touristes iraniens s’inclinent ” welcome in Iran”. Une famille s’arrête et demande notre nationalité une des filles parlant français nous offre un CD vantant les beautés de la région. 

Marivan, un village kurde proche de la forntière irackienne en Iran

La route serpente pour atteindre un col. D’un côté l’Iran, de l’autre l’Irak ! La frontière n’est qu’à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau. Plusieurs postes de contrôles sont disséminés le long de la frontière. Parfois, nous nous faisons arrêter. Toujours avec le sourire, c’est l’occasion d’un selfie ou d’une invitation à boire un thé. A croire que même l’armée a reçu la consigne d’être bienveillante avec les touristes.

Poste frontière sur la route kurde longeant la frontière irackienne en Iran

A Baneh, nous profitons d’une de nos dernières soirées en Iran pour arpenter les rues en s’imprégnant une dernière fois de la vie iranienne. L’odeur d’huile brulée émane des restaurants de kebab et s’imprègne sur les vêtements. Elle devient plus supportable à mesure que le soleil disparait derrière les montagnes. 

Des femmes aux manteaux longs sortent du bazaar les sacs remplis de galettes de pain blanc, le Sangak. C’est un pain étiré, cuit sur un lit de pierres chauffées par une flamme pulsée. Les boulangers les cuisent à la demande, on attend son pain devant le four, en bavardant avec les boulangers ou les clients. Un moment très convivial. Lorsque le pain sort du four, on fait tomber les cailloux encore accrochés à la pâte avant de l’emporter, tout croustillant et chaud.

Fabrication du pain en Iran

L’Iran d’aujourd’hui est une mosaïque de peuples et l’on peut partout goûter à la tradition vivante de leurs us et coutumes. Au coin d’une rue, les grenades se mélangent aux raisins et aux fraises.

Marchand ambulant en Iran

22ème jour en Iran: Baneh – Ourmia

Nous arpentons la montagne. perdus au milieu d’un paysage magnifique tantôt désertique tantôt verdoyant, le vent frais nous rappelle que nous nous trouvons en montagne. Le long de la route, les arbres ont revêtu leur livrée d’automne qui s’accorde à merveille au blond des chaumes et des herbes desséchées de la montagne.

A la sortie d’une courbe, sur un vaste terrain, un attroupement bigarré danse en ronde au rythme d’une musique kurde. Curieux, nous nous arrêtons. Immédiatement, plusieurs hommes viennent à nous. Il s’agit d’un mariage. Ici, les regards sont un peu plus durs, mais cela n’empêche pas de nous inviter à la célébration. Tout le monde porte les habits traditionnels kurdes. Les hommes portent un pantalon large, et les femmes des longues robes colorées. Elles sont plus libres qu’ailleurs en Iran, et plusieurs d’entre elles ne portent même pas le foulard. Les kurdes sont des insoumis.

C’est fabuleux, difficile de décrire ce moment mais c’est fantastique!

Un mariage kurde en Iran

Nous faisons une pause à Piranshahr. On sort la carte pour vérifier la distance qui nous sépare de notre destination. Nous n’avons pas le temps de déplier la carte que déjà une dizaine de kurdes étudient nos motos sous toutes les coutures. Comme d’habitude, l’hospitalité iranienne vire presque au pugilat. Il faut que chacun d’entre eux puisse nous aider, alors nous nous retrouvons avec plusieurs stylos, plusieurs téléphones et plusieurs numéros de téléphones.

Un rassemblement kurde en Iran

Fatigué par la route, c’est la première fois que je ressens une forme d’oppression face à cette marée humaine. Je me retire de quelques mètres, histoire de “prendre l’air”.

23ème jour en Iran: Ourmia – Tatvan

La route d’étire en un long ruban de bitume trempé de chaleur, des camions transportant des marchandises et des animaux, en provenance de Turquie ou d’Irak. Certains camions ne sont plus jeunes et crachent une fumée noire. L’huile et des pneus éclatés sont omniprésents sur les bas côtés.

Le passage de la frontière est toujours un moment délicat. Au-delà du traditionnel coup de tampon, il faut courir après la validation du carnet de passage en douane. Nous sommes pris en charge par un changeur à la sauvette qui connaît les rouages. Il faut courtiser un chef pour la signature. Tous ont l’air de connaître le manège, et le chef en fait des caisses !

Le poste de douane à la frontière entre la Turquie et l'Iran

Du coté Turc, c’est nettement moins amical, peut-être à cause de la proximité avec une région kurde assez agitée. Devant la dernière barrière, un officiel turc nous rappelle gentiment qu’il nous manque encore deux mètres pour être en Turquie. Un coup de tampon plus tard, et on est libres. Mais commence l’état de siège, bienvenue au Kurdistan Turc!

Après la frontière, des points de contrôle toujours plus nombreux démarrent avec gendarmes, policiers ou militaires en gilet pare-balles, camions blindés. Pas de tensions particulières, mais une présence plus intimidante. Les militaires sont barricadés derrière des sacs de sable et se déplacent uniquement en véhicules blindés. Malgré quelques fouilles assez intrusives, tout se passe bien. Les policiers nous demandent nos papiers, d’où l’on vient, mais toujours gentiment et avec le sourire.

De la frontière Iranienne à la frontière Suisse

Il y a des endroits qui sont mythiques, des lieux qui nous font rêver, qui m’ont fait rêver. Nemrut-Dagi en est un. Jamais, je ne m’étais imaginé pouvoir accéder à ces statues… Elles étaient si éloignées qu’elles étaient inaccessibles. Et puis, une fin d’après-midi d’octobre, en rentrant d’Iran, elles trônent devant moi. 

Quelle émotion de me retrouver face à ces géants de pierre. Le gigantisme de ces têtes qui dépassent les deux mètres m’intrigue et m’émerveille tout à la fois. Il m’est impossible de rester indifférent à un tel lieu perdu au milieu de nulle part. Une fois de plus, on peut se demander pourquoi avoir choisi cette altitude, pour dominer le monde ?

Les statues de Nemrut-Dagi en Turquie

Justement, cet époustouflant sanctuaire fut édifié par un roi un peu fou, Antiochos 1er de Commagène au Ier siècle avant notre ère. Aux directions cardinales de l’est, de l’ouest et du nord du tumulus ont été construites trois larges terrasses contenant cinq statues représentant cinq dieux perso-grecs. Antiochos a instillé l’idée de l’immortalité à son peuple, illustrée par  des gravures de pierre le représentant dans des situations familières avec les divinités d’Apollon, de Zeus ou d’Hercule.

Ces statues géantes, aujourd’hui décapitées, sont toujours magnifiques et leurs regards divinement glacés exigent toujours quelque chose – l’adoration ou la crainte. Les ruines du sanctuaire d’Antiochos sont encore surprenantes à voir.

Les statues de Nemrut-Dagi enTurquie

Les statues de Nemrut-Dagi en Turquie

Le retour en Suisse tient d’un long monologue retraçant tous les moments forts de ce trip. Un voyage merveilleux dans un pays incroyable. Merci à Hadi, Negar, Benjamin, Faranak, Parisa, Sadegh, Nasser, Vahid, Darieus, Sima, Aghtar, Hossein, Sivmok… et toutes ces familles, Iraniens, Turcs que nous avons rencontrés sur notre route. Chacune elle a contribué à la réussite de ce voyage. Elles resteront à jamais gravé dans notre cœur.

Merci amis iraniens

https://biketraces.ch/iran-mehr-1397-ou-la-perse-eternelle/              (première partie)

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