Les Balkans sont un voyage au cœur d’un monde où l’histoire et la nature s’entrelacent avec intensité. Entre montagnes abruptes et côtes baignées de soleil, chaque paysage raconte une histoire, chaque village murmure le passé. Ici, les pierres des citadelles anciennes côtoient le brouhaha des marchés, et les ruelles pavées résonnent de musiques traditionnelles qui semblent traverser les siècles. Les Balkans dévoilent un mélange unique d’authenticité et de modernité. Voyager ici, c’est se plonger dans un kaléidoscope culturel où passé et présent se répondent à chaque coin de rue.
SUISSE – MONTELUPO
Franchement, peu de faits marquants viennent jalonner cette journée. L’« autobeurk » — surnom que mérite amplement l’autoroute, tant elle se révèle rarement agréable — porte bien son nom : un interminable ruban de bitume, un paysage dénué du moindre attrait photographique, et une monotonie capable d’assoupir un troupeau de bisons. Seule consolation : nous circulons dans le bon sens, sans embouteillages ni tension, tandis que la route se déroule paisiblement sous nos roues. En sens inverse, en revanche, s’étend un véritable musée de véhicules immobiles : des kilomètres de pare-chocs alignés, offrant un impressionnant concours de patience à ciel ouvert.
La journée se conclut heureusement sur une note plus enthousiasmante : nous faisons halte à Saint-Marin, la plus ancienne république du monde — rien de moins. La visite, toutefois, attendra demain matin, car il est des priorités qui s’imposent : en l’occurrence, satisfaire notre appétit. Les monuments pourront bien patienter jusqu’au lendemain ; une assiette vide, quant à elle, ne souffre aucun délai. 🍝
MONTELUPO – SAN MARINO – ANCONA
San Marino, la vieille ville perchée là-haut, avait tout pour être assiégée par des cars entiers de touristes. Heureusement, on a joué les malins : arrivée tôt le matin, quand la foule est encore en train de tartiner son croissant d’hôtel. Résultat : les ruelles presque pour nous seuls.
Alors, San Marino en résumé ? Imaginez une succession de boutiques prêtes à vous vendre à peu près tout… sauf ce dont vous pourriez vraiment avoir besoin. Entre un katana miniature, un briquet en forme de pistolet et une collection de parfums douteux, on a vite compris que la logique de l’offre n’était pas exactement la priorité.

Côté monuments, ce n’est pas franchement le règne de la dentelle et de la finesse. On est plutôt sur du solide, du massif, de l’imposant. Le genre de bâtiments qui semblent dire : “Tu ne passeras pas !” Bref, ça impose le respect, mais ça n’invite pas spécialement à la rêverie.


Comme on n’était pas pressés, on a pris le rythme escargot : chaque ruelle, chaque escalier, chaque terrasse avec vue panoramique. Et quand on a enfin bouclé le tour, direction Ancone, où nous attendait le ferry de 19h30.


Sauf qu’avant d’embarquer, il a fallu tuer le temps. Et comme le soleil a décidé de jouer les projecteurs de scène, on a fini par se transformer en filets de harengs oubliés sur un quai. Brillants, rôtis et légèrement desséchés, mais prêts pour la traversée.
ANCONA – IGOUMENITSA (Grèce)
Le bourdonnement régulier des moteurs nous accompagne, comme une berceuse métallique, tandis que le bateau fend tranquillement la mer en direction d’Igoumenitsa. À 45km heure on avance aussi vite que possible mais aussi longtemps que nécessaire. Toujours est-il qu’on arrive avec une heure d’avance sur une mer d’huile.

Preuve qu’en voyage, arriver tôt n’a parfois rien à voir avec l’heure de départ. Et puis vient le moment symbolique, presque rituel : les pieds posés sur le sol grec, le tout premier contact avec le pays. Pas un musée, pas une ruine antique — non, mieux que ça : un verre d’ouzo qui nous accueille, anisé, frais, joyeux. La Grèce nous dit « kaliméra ».


IGOUMENITSA – LESKOVIK (Albanie)
On quitte Igoumenitsa en laissant derrière nous une mer d’un bleu sombre coiffée de nuages lourds venus de l’Adriatique. Très vite, la route s’élance vers les montagnes, en direction de l’Albanie. Le décor change au fil des kilomètres : forêts profondes, collines veloutées, petits villages accrochés aux pentes, comme si le temps s’y était arrêté. Sur cette route presque déserte, nous croisons à peine trois véhicules qui semblent partager notre destination. Autant dire qu’on a la voie libre ! La chaussée se fait sinueuse, joueuse, parfaite pour savourer chaque virage.

À la frontière, c’est le grand luxe : pas de file interminable, pas de klaxons, pas de regards pressés. Juste nous… et une barrière qu’on franchit aussi facilement qu’une porte de jardin. Douane expédiée, sourire au coin des lèvres, nous voici officiellement en Albanie.
Et là, quelle entrée en matière ! Pas de simple verre pour marquer l’arrivée, non. À Leskovik, on tombe carrément sur une distillerie de gin. Comme accueil, on a vu pire.

LESKOVIK- BERAT
On commence par une première partie des plus aventureuses.
» t’es sûr que c’est la bonne route ? » C’est pas sorcier, il n’y en a pas d’autres !

Revêtement plus que médiocre, trous d’autruche, sable et gravier se mêlent aux pierres jalonnant le parcours. Heureusement, ça finit par s’améliorer. On longe un rivière magnifique. C’est super sauvage.


On croise quelques villages et on termine en arrivant à Berat. Une ville pittoresque, toute en charme et en contrastes, où l’histoire se mêle à l’animation touristique. Un final qui efface d’un coup les cahots du début de journée.

BERAT – POGRADEC
Au regard de l’expérience vécue la veille au matin, une hésitation s’est imposée quant à l’itinéraire à emprunter. Comme partout ailleurs, les routes y sont hiérarchisées selon leur importance : la veille, nous avions suivi une route de type SH, et l’itinéraire prévu pour la journée s’inscrivait dans la même catégorie. À deux sur la moto, l’absence de revêtement peut avoir son charme, mais seulement pour un temps limité.




Finalement, nous avons décidé de nous en remettre au programme initial, empruntant la route qui remonte la vallée irriguée par la Devoll. Ce choix s’est révélé des plus judicieux. Sur plus de cent kilomètres, les paysages se sont succédé avec une beauté saisissante, ponctués de virages presque ininterrompus, offrant un véritable plaisir de conduite.

Nous avons même fait une brève incursion en Macédoine — non pour y déguster une salade de fruits, mais pour découvrir le parc naturel de Galičica. Une étape absolument remarquable.

POGRADEC – KUKES
Retour en Macédoine afin de longer les rives du lac. L’itinéraire nous conduit à travers plusieurs localités à vocation touristique, avant de retrouver le poste-frontière permettant de regagner l’Albanie.

Le passage de la douane, bien que relativement fluide, requiert néanmoins une trentaine de minutes. Nous retrouvons alors les célèbres Mercedes, emblématiques du paysage automobile albanais : il faut reconnaître qu’un conducteur sur trois semble en posséder une, même si elles ne sont pas toutes de première jeunesse.

Nous gagnons ensuite Kukës. Cette fois, toutefois, nous optons pour un établissement plus confortable que celui choisi lors de mon précédent séjour.
Comme chaque soir, je consulte brièvement l’itinéraire prévu pour le lendemain. Nous tenterons de concrétiser une idée quelque peu fantasque : tous les moyens de transport sont envisageables, pourvu qu’ils procurent une forme d’ivresse. Selon Google Maps, les trente derniers kilomètres pourraient nécessiter plus d’une heure et demie de trajet, une estimation qui laisse songeur🤔.
KUKES – SHKODËR
L’objectif de la journée consiste à rejoindre une vallée reculée, presque hors du temps. Une large portion de celle-ci a été engloutie à la suite de la construction d’un barrage, donnant naissance à un lac aujourd’hui navigable.

À l’origine destiné aux seuls besoins de contrôle de l’ouvrage, ce plan d’eau a progressivement été aménagé et valorisé comme une attraction touristique. La descente des gorges du Drin, d’une durée de deux heures, s’effectue dans un cadre d’une grande beauté.


Le ferry constitue à lui seul une expérience singulière. Les véhicules y sont disposés avec une extrême précision, serrés les uns contre les autres dans un véritable exercice de « Tetris ».

Certains conducteurs, peu enclins à manœuvrer dans de telles conditions, préfèrent confier leur voiture à l’équipage. La ligne de flottaison se situe bien au-dessous du niveau habituel, mais cela importe finalement assez peu, tant l’expérience demeure mémorable.

La sortie du fjord correspond assez bien aux prévisions. La pamir hight way en plus court. Tous non pas appréciés à ça juste valeur. J’ai bien essayé d’animer…
À la périphérie de Shkodër, l’une des plus anciennes villes d’Albanie, s’est développé au fil des années un bidonville révélateur des profondes mutations sociales et économiques qu’a connues le pays depuis la fin du régime communiste.

Les habitations y sont souvent construites sans plan d’urbanisme, à partir de matériaux rudimentaires, et s’organisent de manière dense et désordonnée. L’accès aux infrastructures de base — eau potable, assainissement, voirie ou électricité — reste inégal et parfois précaire. Les habitants doivent composer avec des conditions de vie difficiles, aggravées par les risques d’inondation, fréquents dans la région de Shkodër en raison de la proximité des rivières et du lac.

SHKODËR – KOTOR (Montenegro)
Il a tout d’abord fallu trouver un pneumatique pour la « grosse ». Dans un petit atelier de fortune, la moto fut simplement calée à l’aide de deux morceaux de bois ; l’opération, aussi rudimentaire qu’efficace, s’est déroulée sans le moindre incident.

Nous quittons ensuite l’Albanie pour rejoindre le Monténégro. L’Albanie restera pour nous une remarquable découverte, sans réelle fausse note, à condition toutefois d’éviter les sites excessivement touristiques, notamment le littoral. Les tarifs y demeurent par ailleurs particulièrement abordables.
Au Monténégro, il ne faut surtout pas hésiter à emprunter les routes les plus étroites : l’émerveillement y est presque garanti.


Le paysage s’y révèle splendide. Nous descendons notamment la célèbre route en lacets surplombant la ville de Kotor, théoriquement interdite aux autocars — bien que nous en ayons croisé deux, rendant la circulation pour le moins chaotique. Le croisement s’avère pratiquement impossible pour les véhicules, à l’exception notable des deux-roues.
La traversée de Kotor elle-même tient de l’épreuve. Quoi qu’il en soit, nous finissons par trouver un hébergement agréable. Demain sera consacré à l’ascension des mille et quelques marches menant à la forteresse.

KOTOR
Visite de la vieille ville de Kotor, dont l’une des principales attractions demeure la forteresse dominant la cité.
Compte tenu de la chaleur annoncée, nous décidons d’entreprendre l’ascension sans tarder. Toutefois, l’élan est de courte durée. Très rapidement, nous sommes arrêtés par un préposé qui nous réclame quinze euros par personne pour gravir les 1 426 marches menant au sommet. Le rapport qualité-prix peut prêter à sourire : chaque marche ne revient, après tout, qu’à 0,01 centime😱.

Je vous promets que nous les avons toutes pleinement appréciées, en particulier les dernières. Après avoir gagné environ 280 mètres de dénivelé, nous atteignons enfin le sommet, littéralement trempés, comme si nous sortions d’un bassin. Là encore, nous aurons au moins réalisé des économies sur le forfait d’aquagym 🤣🤣.

KOTOR – PLUZINE
Nous repartons en suivant la même route qu’à notre arrivée. Cette fois-ci, il n’y a presque pas de véhicules. Un petit café ☕️ pour la route et nous poursuivons en direction du Monastère d’Ostrog.
Germaine (toujours notre GPS) nous promène un peu dans des petites routes que même parfois on se demande si elle sait où elle nous mène.
Arrivés au Monastère, c’est encore blindé. Normal !

Le monastère d’Ostrog a été fondé au XVIIᵉ siècle par Vasilije Jovanović, évêque de Herzégovine, plus tard canonisé sous le nom de saint Basile d’Ostrog. Il choisit un site spectaculaire : une paroi rocheuse presque verticale, qui offrait à la fois protection contre les invasions ottomanes et un lieu de recueillement spirituel.

Saint Basile y vécut en ermite et y fut enterré après sa mort en 1671. Ses reliques, conservées intactes, devinrent rapidement un objet de vénération. Ainsi, le monastère devint un centre majeur de pèlerinage dans les Balkans.


Des croyances de guérisons miraculeuses se sont répandues, attirant non seulement des orthodoxes, mais aussi des catholiques et des musulmans.
On rejoint Pluzine, petit village au bord de l’eau. Le bistrot a l’air vachement sympa, alors on file boire un verre.

PLUZINE – IBARAC
Il a plu toute la nuit. Pas une de ces petites pluies ☔️ qui t’arrose le jardin, mais plutôt des seilles qui creusent ton jardin et ravine les talus.
On ne se presse pas trop pour le déjeuner, des fois que le temps s’améliorerait. 10h on part pour le parc du Durmitor. Magnifique 👍, des paysages sublimes aux contrastes sublimés par un ciel couvert par moment.




On rejoint les gorges du Tara, et là ça se complique sérieusement. Un éboulement nous empêche de poursuivre notre route comme prévu.

Des alternatives, il n’y en a pas des milliers. Je fais confiance à Germaine. Elle nous trouvera bien une nouvelle route dont elle a le secret. Et ben, elle aurait mieux fait de le garder son secret. Nous nous sommes retrouvés dans un champ après quelques kilomètres d’une route impossible.

Finalement, je reprends les rennes !!
Et suis la frontière serbe. La route est sympa et les kilomètres défilent. Jusqu’au moment où un panneau nous annonce des travaux sur plus de 30 km. Gravier, trous de toutes les formes et de toutes les profondeurs se suivent invariablement. On traverse des flacs d’eau où l’on aurait pu se baigner dedans.
On arrive finalement à notre hébergement improbable. Tellement improbable qu’on est parti chercher un hôtel probable 🛌 et potable.
IBARAC – VRNJACKA BANJA (Serbie)
Journée religieuse s’il en est. Avec deux monastère au programme, j’espère avoir réparer toutes mes fautes. Non mais c’est quoi ces manières ! Comme si j’en avais moua des fautes.






Nous avons profité de cette journée spirituelle pour passer le bac ensemble. Bon, normalement il y aurait dû avoir une 📷 du panneau de signalisation « Bac », mais certains ont eu des questions ❓️ plus facile que d’autres 🤣😝.

On est arrivé dans une ville dont le nom est imprononçable. J’arrive à prononcer la première et la dernière lettre.


VRNJACKA BANJA – BAILE HERCULANE (Roumanie)
La journée fut longue, et le demeura jusqu’à son terme. Nous avons emprunté de nombreuses routes secondaires : parfois, l’état déplorable du revêtement nous contraignait à ne pas dépasser les quarante kilomètres à l’heure ; à d’autres moments, en revanche, il nous était permis de laisser libre cours à la puissance du moteur.

Avant de franchir la frontière roumaine, nous longeons le Danube, dont les paysages offrent une parenthèse aussi paisible qu’agréable.

À notre arrivée à l’hôtel, l’accueil se révèle pour le moins discourtois. Une employée revêche éprouve la plus grandes difficultés à retrouver notre réservation. On nous réclame le paiement du parking, pourtant annoncé comme gratuit.

Il s’avère impossible de procéder à un change de devises, sous prétexte que nous serions dimanche — alors que nous sommes en réalité samedi. À cela s’ajoute l’absence de stations-service à proximité, situation d’autant plus préoccupante que je roule sur la réserve depuis un certain temps.
Excédé par l’accumulation de ces désagréments, je finis par perdre patience et laisse éclater mon mécontentement en la traitant de « pouf ». Étrangement, la situation s’améliore aussitôt : le parking devient gratuit, le règlement par carte bancaire est accepté et une station-service se révèle finalement située un peu plus loin. Comme quoi…
BAILE HERCULANE – SEBES
Le réveil fut particulièrement pénible. Je me serais volontiers attardé sous la couette, mais l’atmosphère peu engageante de l’hôtel ne s’y prêtait guère et nous incita à reprendre la route sans tarder.
Nous traversons d’abord le parc naturel de Domogled, premier écrin de verdure de la journée. La chaussée, entièrement rénovée, rend la progression agréable, bien que l’humidité laissée par une pluie récente invite à la prudence.

Un ciel bas, chargé de nuages, s’installe durablement et nous accompagnera tout au long du parcours, conférant au paysage une tonalité à la fois austère et mystérieuse.


Nous poursuivons ensuite sur la Transalpina, route mythique et emblématique de la région. À mi-parcours, une halte s’impose : l’occasion bienvenue de nous réchauffer autour d’une excellente soupe de légumes, simple mais réconfortante.

La route est animée ; nous croisons de nombreux motards, particulièrement concentrés aux abords des échoppes touristiques, où les visiteurs s’empressent d’acquérir des souvenirs voués, sans doute, à être rapidement oubliés.

Cette route m’était déjà familière : je l’avais parcourue une dizaine d’années plus tôt, en plein mois de juillet. À l’époque, elle était presque déserte et partiellement en travaux, ce qui renforçait son caractère sauvage. Aujourd’hui, la Transalpina est devenue une sorte de mont Ventoux local — sans les cyclistes toutefois —, attirant les passionnés de conduite et les amateurs de paysages spectaculaires.




SEBES – TIMISOARA
Dans les villages roumains, la pauvreté est souvent visible, parfois même criante. Pourtant, l’on peut avoir le sentiment que chacun dispose, malgré tout, d’un toit sous lequel se protéger. Les jeunes générations, animées par l’espoir d’une existence plus confortable, ont quitté ces lieux depuis longtemps. Ne demeurent bien souvent que quelques personnes âgées, attachées à leur terre ou retenues par l’absence d’alternatives. Ont-elles réellement le choix ? La question demeure en suspens.
En ville, le contraste est saisissant. Une certaine prospérité s’y affiche sans détour : terrasses animées, automobiles élégantes, vêtements de marque et façades rénovées témoignent d’un dynamisme économique indéniable. Toutefois, cette image de richesse côtoie une pauvreté omniprésente, visible à chaque coin de rue à travers la mendicité et la présence de personnes sans domicile fixe. Deux réalités s’y superposent, parfois sans jamais véritablement se rencontrer.





Timișoara s’impose néanmoins comme une ville particulièrement agréable. Elle séduit par ses vastes rues piétonnes, ses places élégantes et son atmosphère vivante. On y trouve ce que les habitants appellent, non sans humour, la « rue de la soif », où les bars se succèdent, et, non loin de là, la « rue de la faim », où les restaurants s’alignent les uns après les autres.

L’inconvénient réside dans une curieuse organisation : commander un repas implique, pour se désaltérer, de traverser la rue perpendiculaire — une gymnastique urbaine qui prête à sourire.

Nous logeons dans un bel appartement, sécurisé par une lourde porte d’entrée en fer munie de deux cylindres, gage d’une vigilance accrue. Pourtant, à seulement trois rues de là, le décor change radicalement et évoque très nettement certains quartiers déjà rencontrés en Russie : façades austères, atmosphère plus rude, rappelant combien les contrastes peuvent être abrupts et immédiats.

TIMISOARA – SMEDEREVO (Serbie)
L’idée initiale consistait à traverser la Serbie d’une seule traite. Toutefois, une telle entreprise relevait davantage de l’endurance aveugle que du plaisir du voyage, et nous ne voyions guère l’intérêt de nous y soumettre. Disposant de temps, nous décidons donc de scinder l’étape et d’emprunter la route du parc national de Đerdap.


Le paysage s’y révèle grandiose et profondément sauvage : une succession de collines, des forêts immenses aux allures presque impénétrables, et des villages si isolés qu’ils semblent oubliés du monde. L’éloignement y est tel que l’on ne peut s’empêcher de penser qu’en cas de problème, l’assistance mettrait un temps considérable à arriver. Cette impression de bout du monde confère à la région une atmosphère à la fois fascinante et légèrement inquiétante.




La région est également habitée par de nombreuses familles roms, dont les maisons attirent immédiatement l’attention. Les portes, étonnamment vastes, paraissent conçues pour laisser entrer sans difficulté des véhicules entiers, témoignage d’un mode de vie et de traditions bien différents de ceux auxquels nous sommes habitués.




Nous poursuivons ensuite notre route le long du Danube, ce fleuve mythique que l’on surnomme le « beau Danube bleu », bien qu’il ait depuis longtemps perdu cette teinte légendaire. Ses eaux, larges et puissantes, nous accompagnent jusqu’à notre destination finale, offrant un fil conducteur majestueux à cette traversée, marquée par l’impression d’un voyage hors du temps.

SMEDEREVO – DRVENGRAD
Il y a finalement peu à relater, si ce n’est que le trajet s’est révélé sensiblement plus court que nous ne l’avions initialement imaginé. Nous atteignons ainsi, en tout début d’après-midi, le village de Küstendorf, également connu sous le nom de Drvengrad — littéralement « la ville de bois ». Ce lieu singulier fut édifié par le réalisateur Emir Kusturica pour les besoins de son film La Vie est un miracle.

L’intégralité du village est construite en bois, avec un souci du détail remarquable. L’ensemble a été conçu à l’image fidèle des villages serbes des années 1920, offrant une véritable plongée dans le passé. L’atmosphère oscille curieusement entre l’innocence bucolique de La Petite Maison dans la prairie et le mystère feutré d’un décor digne des aventures de Sherlock Holmes. Chaque maison possède une identité propre et dégage un charme singulier.



Quant à la nôtre, elle se distingue sans conteste par son caractère particulièrement accueillant.

DRVENGRAD – MOSTAR (Bosnie)
Nous faisons halte afin de visiter le chemin de fer conçu par le désormais célèbre Emir Kusturica. Il faut bien l’admettre : l’homme ne manque ni d’ambition ni d’un certain goût pour la mise en scène de lui-même, puisqu’il a fait édifier sa propre ligne ferroviaire — une fois encore pour les besoins d’un film.



Cette réalisation, à la fois insolite et spectaculaire, force néanmoins l’admiration par son audace. À certains égards, elle pourrait même inspirer plus d’un réseau ferroviaire miniature tant son souci du détail est manifeste.

Le reste de la journée se révèle tout simplement remarquable. Les paysages se succèdent avec une générosité presque excessive : gorges vertigineuses, vallées profondes et isolées, montagnes majestueuses traversées par une route qui semble avoir été tracée pour le seul plaisir du voyageur. L’ensemble compose un décor grandiose, donnant l’impression de cheminer dans une œuvre façonnée par une main démesurée.
Nous atteignons enfin Mostar. La ville est indéniablement très fréquentée, parfois à l’excès, mais son pont emblématique demeure, à mes yeux, un symbole puissant et intemporel.



Chaque passage en ces lieux s’accompagnait jusqu’alors d’un rituel personnel : photographier une bombe exposée à proximité, sur laquelle était inscrit « Don’t forget 93 », rappel brutal et nécessaire des événements tragiques du passé. Aujourd’hui, elle a disparu. Faut-il y voir un signe, une volonté d’oubli, ou au contraire l’espoir d’un apaisement durable ? La question reste ouverte.


MOSTAR – SIPOVO




Encore une journée de rêve😄.




Ce soir, nous dormons dans un gîte ethno quelque chose. Un genre de pension à la ferme. A peine arrivé, le proprio me fait des grands signes. Il m’autorise à parquer la moto à côté du petit chalet où nous passerons la nuit.

Il ne parle pas un mot d’anglais, uniquement le bosniaque. Alors on va faire avec. Une fois installés, nous avons droit au verre de bienvenue. Une sorte de liqueur de fruits. Sa femme trinque avec nous et discute allègrement avec Odette. Entre femmes, elles se comprennent. En fait, leur activité est l’élevage de truites et ce soir ce sera salade 🥗, frites 🍟 et truites 🐟.

SIPOVO – KARLOVACKA (croatie)
Faut que je te parle de mes valises Lone Rider. J’ai décidé de partir avec une bagagerie semi-rigide. Comme j’en avais une qui traînait dans la cave, voilà qui va faire l’affaire. Et ben, que neni, une vraie saloperie. D’abord, elles ont des trous pour laisser passer l’air lors de la fermeture et bien lorsqu’il pleut, ça laisse aussi passer l’eau. Je les ai rendues étanche avec un scotch.
D’origine, elles ont une armature pour maintenir une jolie forme, sauf que ça prend une place pas possible. Donc poubelle l’armature. Pour les fixer, il faut une clé de 10 et une tonne de patience. Une fois montées, elles sont à demeure ou alors la clé de 10 et la tonne de patience. Jusque-là, on va dire que ça pourrait encore aller. C’est au moment où on les ferme que les Lone Rider donnent le meilleur d’elles même, une calamité. Si t’es pas pile poil dans l’axe, t’as aucune chance. Bref, tu l’as compris si tu les veux je te les vends 🤣🤣.
Bon, pendant que je te parle de mes valises, on a fait de la route. On s’est même aventurés sur une piste rock and roll pour voir des chutes magnifiques. La Bosnie restera comme un excellent souvenir avec des paysages superbes, des routes impeccables, un coup de cœur 😍



KARLOVACKA – TRIESTE (Italie)
Nous profitons des derniers instants de beaux temps. Une mauvaise dépression nous oblige à faire un choix entre deux jours de pluie ☔️ ou quatre jours d’intempérie. Alors nous n’avons pas choisi quatre jours 😉🤣.






TRIESTE – SIUSSE
Afin de limiter autant que possible notre exposition aux caprices d’une météo annoncée peu clémente, nous avons choisi de quitter Trieste à l’aube, profitant des premières lueurs du jour pour prendre la route. Cette stratégie s’est révélée efficace jusqu’à Venise, que nous avons atteinte sans encombre ni pluie.
Cependant, à partir de là, les éléments se sont déchaînés sans la moindre indulgence. Un véritable déluge s’est abattu sur nous, ininterrompu, dense, formant un rideau d’eau continu qui semblait vouloir nous accompagner indéfiniment. Trempés jusqu’aux os et transis par l’humidité, nous avons finalement trouvé refuge dans un restaurant du village de Simplon, où une fondue bienvenue nous a permis de reprendre des forces et de nous réchauffer.

Sur l’ensemble de ce mois de voyage, il s’agissait de la seule véritable précipitation à laquelle nous ayons été confrontés. Mais si elle fut unique, elle n’en demeura pas moins remarquablement.