On raconte qu’au carrefour des routes de la soie, ces cités légendaires, que sont Samarcande, Boukhara et Khiva, offrent une farandole de coupoles étincelantes ornées de faïences, de minarets fuselés, de somptueux palais ou encore de cités fortifiées. Ses bazars animés, ses jardins ou ses salons de thés, sont autant d’occasion d’aller à la rencontre du peuple ouzbek, qui, malgré l’authoritarisme du régime, a su conserver sa gentillesse et son profond sens de l’hospitalité. Véritable terre de légendes, un voyage en Ouzbékistan est une plongée dans l’histoire au temps des caravanes, un dépaysement unique au carrefour des civilisations.
Puis, suivre la route M41, la Pamir Highway, entourée de pics aux neiges éternelles, flirtant avec le ciel, construite dans des plateaux désertiques battus par les vents, c’est vivre un voyage entre terre et nuages. En effet, la mythique M41, une des plus hautes routes du monde, relie Dushanbe à Osh en serpentant à travers la région autonome du Gorno-Badakhshan par de nombreux cols entre 4000 et 5000 mètres. Y poser ses roues, s’est aller à la rencontre de Marco Polo, qui a traversé le Pamir au VIII siècle.
Ce projet de voyage aurait dû voir son aboutissement vers la fin de l’été 2020. Mais le coronavirus avait frappé très fort et de nombreux pays ont fermé leurs frontières. Le virus a attisé la peur, la peur de l’autre, la peur de l’étranger. Il nous aura fallu du temps, une fois la crise de la pandémie passée, pour que se désamorce à l’international la peur. Il nous a fallu être patient. Mais n’est-ce pas les projets qui nous font vivre?
A mesure que le temps s’écoule, la retraite arrive gentillement. C’est peut-être l’occasion de marquer ce passage. Rejoindre la Mogolie en passant par la Pamir Highway est un objectif de circonstance. Avec Denis, nous convenons d’une date de départ. Pour ce qui est du retour, on verra bien, rien n’est fixé. Nous avons le temps, et nous comptons bien apprécier ce trip au long cours.
Le texte qui suit, relate l’ensemble de notre voyage. Il est largement inspiré des notes prises au fil des jours. Tantôt, il sera narratif, amusant ou ennuyeux. Il reflète l’humeur du jour, mes impressions ou simplement l’envie de garder en mémoire les anecdotes qui ont jalonné notre parcours. Je ne pourrai pas toutes les raconter ici. Je garde la plupart d’entre elles. Elles m’appartiennent…
Suisse – Portogruaro (Italie)
Après des semaines d’attente impatientes, le moment tant attendu est enfin arrivé : il est temps de prendre la route. La nuit fut courte, mais étrangement, pas besoin de mettre le réveil, tant l’excitation est grande. Les heures filent et c’est au matin que l’on se retrouve, comme toujours, autour d’un café bien chaud pour démarrer la journée. L’odeur du café, mélange d’amertume et de chaleur, nous réveille en douceur et nous prépare à l’aventure.
Avec le soleil qui brille haut dans le ciel, nous prenons la décision de passer par le col du Simplon, une option qui semble évidente en ce jour ensoleillé. Le col ne nous réserve pas de chaleur étouffante, mais une brise fraîche qui apporte un agréable répit. Le paysage qui se déploie devant nos yeux est à couper le souffle, les montagnes imposantes se dressent autour de nous dans un silence presque solennel. Cependant, dès que nous pénétrons en Italie, la température grimpe rapidement, le climat méditerranéen se fait sentir. Les premiers rayons de chaleur commencent à se faire lourds, nous invitant à ajuster nos tenues et à apprécier pleinement la beauté de la route qui s’étend devant nous. Ce voyage ne fait que commencer, et l’aventure promet d’être aussi exaltante qu’inoubliable.
À Intra, nous prenons le bac pour traverser le Lac Majeur, puis nous mettons le cap sur Lugano. La traversée de la ville s’avère bien plus compliquée que prévu. Les rues étroites et l’intense circulation compliquent notre passage. Nous avançons à une allure beaucoup plus lente que souhaitée. Mais une fois cette étape passée, nous décidons de continuer sans trop de détours, enchaînant les kilomètres jusqu’à Tirano puis Portogruaro où nous passons la nuit.
Les kilomètres défilent. Nous nous adaptons progressivement au poids de la moto, ainsi qu’à son encombrement. Avons-nous emporté trop de choses ? Probablement. Nous décidons de ne pas nous en inquiéter pour l’instant, et de faire un premier bilan dans quelques jours, une fois que nous aurons eu le temps de prendre un peu plus de recul sur notre équipement et nos choix. En attendant, nous continuons notre route, sans trop penser à ce que nous avons emporté, mais en gardant à l’esprit que ce voyage est avant tout une aventure d’ajustement, d’apprentissage et de découverte.
Portogruaro – Zagreb (Croatie)
Nous n’avons, bien sûr, pas pris la route aux aurores, mais quelle surprise de constater le peu de circulation ce matin-là. C’est une aubaine pour nous, et nous en profitons pleinement. Sur notre chemin, nous croisons plusieurs pelotons de cyclistes qui semblent se préparer à affronter de longues étapes, ainsi que des groupes de motards, tous sur le point de prendre d’assaut les routes. C’est alors qu’une prise de conscience nous frappe : aujourd’hui, c’est le 1er mai, une journée qui, manifestement, attire de nombreux passionnés de deux-roues.
Au détour d’un virage serré, le paysage change brusquement et, comme par magie, nous nous retrouvons en Slovénie. Enfin ! La frontière est franchie presque sans que l’on s’en rende compte. Nous décidons de prendre le temps de savourer les petites routes de campagne slovènes, qui dévalent paisiblement à travers des paysages verdoyants et bien entretenus.
C’est d’une propreté impressionnante, presque irréelle, peut-être même plus soigné que ce que nous avons l’habitude de voir en Suisse. L’asphalte est parfait, les champs bordent les routes avec une simplicité qui semble sortir tout droit d’une carte postale. La route serpente, nous offrant quelques montées qui nous permettent de prendre un peu d’altitude avant d’arriver à Ljubljana.
Ce qui nous plaît particulièrement, ce sont les nombreux virages qui ponctuent notre trajet, des courbes qui nous rappellent combien la conduite devient un plaisir lorsque l’on prend le temps de savourer la route. La température est plus fraîche que la veille, un maximum de 22 degrés, une brise agréable qui nous offre un répit bienvenu après la chaleur de la journée précédente.
Finalement, après avoir traversé des paysages enchanteurs et des routes de campagne idylliques, nous arrivons à Zagreb. Et, contre toute attente, nous avons réussi à éviter la pluie qui, pourtant, nous avait suivi tout au long du parcours, prête à nous surprendre à chaque coin de route. La ville s’ouvre devant nous, et c’est avec satisfaction que nous concluons cette étape sans avoir eu à affronter les intempéries.
Zagreb – Banja Luka (Bosnie Herzegovie)
Nous poursuivons notre périple vers le sud, empruntant des petites routes sinueuses qui serpentent à travers la campagne. Les villages se succèdent les uns après les autres, formant de véritables grappes où chaque localité semble intimement liée à la suivante. À mesure que nous pénétrons plus profondément dans l’intérieur du pays, les traces visibles de la guerre deviennent de plus en plus évidentes. Ces stigmates de souffrance et de destruction sont omniprésents, imprégnant chaque coin de terre.
Les Croates, contraints de faire face aux ravages de ces années sombres, ont souvent fait le choix de reconstruire leur propre demeure, plutôt que de restaurer des bâtiments criblés de balles meurtrières. Parfois, le temps semble s’être arrêté dans des villages entiers, désormais laissés à l’abandon. Des maisons désertées, des rues vides et des ruines qui témoignent de la violence passée, tandis que la végétation reprend lentement ses droits, envahissant ce qui reste. La nature semble ainsi chercher à effacer les souvenirs de ces jours sombres, couvrant peu à peu les cicatrices laissées par la guerre.
Les derniers kilomètres de notre trajet se font sous un ciel sombre. Le vent se lève et les nuages noirs s’amoncellent, menaçant d’éclater à tout moment. Nous jouons avec l’orage qui se rapproche, espérant éviter les trombes d’eau qui semblent prêtes à déferler. Mais, contre toute attente, nous parvenons à échapper à la pluie battante, et la route se poursuit, sèche et calme, comme un dernier cadeau avant que la tempête n’éclate.
La cathédrale du Christ-Sauveur érigée des cendres d’un passé tumultueux, se dresse fièrement, telle un phénix de pierre renaissant de ses flammes. Ses murs de travertin, patinés par le temps, semblent raconter les souffrances et les espoirs d’une ville meurtrie. Sous ses dômes dorés, l’édifice invite à la contemplation. A l’intérieur, la lumière, filtrée par les vitraux colorés crée une atmosphère à la fois solennelle et intime.
Banja Luka – Čačak (Serbie)
Ce fut une journée de roulage longue comme un jour sans pain. Dès le départ, on perd le sud, mais heureusement, on ne perd pas le nord (ce qui, au fond, est déjà un bon début). Ensuite, on traverse des forêts… et encore des forêts… et encore une forêt. Puis, cerise sur le gâteau, on suit une rivière, et peu après, une autre rivière, le murmure de l’eau nous guide à chaque tournant.
Dans l’ensemble, la température reste relativement agréable, loin de la chaleur accablante que nous redoutions. Le ciel reste couvert tout au long du trajet, une grande nappe grise qui nous accompagne, tamisant la lumière et créant une atmosphère un peu étrange et pesante. Mais, malgré tout, la chance est de notre côté, et nous échappons une fois de plus à la pluie battante qui menace à chaque instant. Le ciel nous épargne, nous permettant de poursuivre notre route sans nous arrêter sous une averse.
Arrivés à Čačak, nous ne trouvons pas vraiment de quoi nourrir notre curiosité. En réalité, ce qui caractérise cette ville, c’est qu’il n’y a rien de particulier à y voir. Un lieu presque anonyme, où le temps semble s’étirer sans offrir de grande distraction. Alors, plutôt que de chercher une quelconque attraction, nous décidons de nous diriger vers un restaurant, histoire de reprendre des forces avant de poursuivre notre route.
Čačak – Niš
Ce qui nous étonne depuis notre arrivée dans les Balkans, c’est le nombre de jeunes que l’on croise partout. Il faut dire que les personnes plus âgées semblent avoir pris la décision de vivre tranquillement dans les villages, loin de l’agitation des grandes villes. C’est un peu comme si la jeunesse était partie à l’aventure et que les générations précédentes s’étaient installées en mode « retraite anticipée » dans des coins plus calmes.
Lorsque nous sommes arrivé à Niš, nous imaginions pouvoir flâner tranquillement sur l’avenue des Anglais, un peu à la manière de Nice. Mais voilà, Niš n’est pas Nice ! L’avenue des Anglais n’a rien à voir avec celle de la Côte d’Azur. Pas de plages, pas de palmiers, et encore moins de touristes bronzés. Niš est charmante à sa façon, mais elle a un tout autre rythme.
Ensuite, la quête pour trouver un hôtel sous la pluie battante s’avére être un véritable défi. Chercher un hébergement en pleine tempête n’est jamais une tâche facile. Nous finissons par arriver dans un cul-de-sac, avec la lueur d’espoir que l’hôtel tant recherché s’y trouve. Après avoir appuyé sur la sonnette pendant une éternité, une dame bienveillante finit par venir nous ouvrir. C’est là que commence une sorte de partie de Pictionary, version improvisée. Elle fait de grands gestes, dessinant des cercles imaginaires au-dessus de sa tête avec ses mains. À quoi cela correspond-il ? Un rêve, un oiseau ? Non, pas du tout ! Elle nous demande en fait… notre passeport ! Une façon très originale de nous demander nos papiers, mais après tout, pourquoi pas ?
Quant à la recherche du restaurant, c’est du même ordre. Lire le cyrillique, c’est une chose, mais le comprendre en est une autre. Autant dire que ça laisse présager des moments mémorables pour la suite du voyage. On se prépare donc à des aventures où chaque panneau devient un défi et chaque mot une énigme. On se dit qu’on a intérêt à bien maîtriser le Pictionary et à avoir une bonne dose de patience pour naviguer dans ce pays aux codes bien particuliers !
Niš – Plovdiv (Bulgarie)
Une autre journée agréable, baignée de soleil, mais qui n’a pas manqué d’être ponctuée par quelques imprévus. Dès que nous franchissons la frontière, nous constatons un changement notable : l’état des routes a radicalement évolué. Les routes secondaires sont désormais recouvertes de pavés, ce qui, bien que pittoresque, n’est pas sans présenter quelques difficultés, notamment à cause des nombreux trous qui parsèment la chaussée.
En ce qui concerne la conduite, un contraste saisissant s’impose rapidement. En Serbie, la conduite se distingue par un respect évident des règles de circulation, mais dès que nous avons pénétré en Bulgarie, la situation a changé. Ici, la conduite semble plus agressive et les limitations de vitesse, si elles existent, sont souvent ignorées. Nous redoublons de vigilance.
De plus, aujourd’hui, c’est Pâques orthodoxe, une fête célébrée avec beaucoup de ferveur. Mais au-delà des traditions religieuses, cette journée est aussi marquée par la célèbre course aux œufs, un jeu typique qui fait la joie des petits et des grands. Ce matin, en quittant notre hôtel, nous avons eu la chance de recevoir des œufs décorés en guise de cadeau, un geste sympathique et chaleureux qui témoigne de l’accueil bienveillant des Bulgares. Cela a ajouté une touche de convivialité à notre journée, déjà bien remplie de découvertes et de surprises.
Se promener à Plovdiv offre un voyage dans le temps car nombreuses sont les maisons qui ont plus de 100 ans et qui sont entretenues à la perfection, flamant neuves. Il s’agit d’anciennes demeures qui appartenaient aux aristocrates et commerçants avant le 19 ème siècle. Certaines de ces vieilles bâtisses en bois ont été transformées en musées.
Plovdiv – Sozopol
Nous arrivons à Sozopol sans encombre qui est l’une des plus anciennes et des plus pittoresques villes côtières de Bulgarie, située sur la mer Noire. Elle est célèbre pour ses ruelles pavées, ses maisons traditionnelles en bois du XIXème et son ambiance détendue.
Sozopol – Beykoz (Turquie)
La journée commence tranquillement, avec un peu de bricolage pour régler quelques petits détails sur la moto. La fixation du GPS montre déjà quelques faiblesses.
Nous prenons la route un peu plus tard que prévu, mais cela ne nous dérange pas. Nous longeons la mer, en direction de la Turquie, en admirant les vues splendides sur les vagues qui se brisent contre le rivage. Nous traversons ensuite un parc national, où la nature luxuriante se déploie autour de nous. Cependant, la route se révèle rapidement être un véritable parcours du combattant : une succession de trous plus ou moins gros, parfois profonds, qui rendent la conduite particulièrement cahoteuse. Nous faisons le choix d’emprunter la voie rapide. Heureusement, les motos sont exemptées de péages, une chance étant donné l’état de la chaussée.
Le passage à la douane est un moment un peu tendu. Bien que nous réussissons à éviter une fouille complète de nos bagages, cela n’est pas gagné d’avance, et nous devons faire preuve de patience. Une fois cette étape franchie, un dilemme se pose : devons-nous passer par le nord, le centre ou le sud d’Istanbul ? Après mûre réflexion, nous optons finalement pour une traversée en ferry au nord de la ville, pensant que cela serait plus rapide et plus direct.
Nous continuons notre route et traversons Istanbul. Un moment de pur bonheur: coincé entre des voitures, remontant des colonnes de véhicules à l’arrêt avant de nous retrouver engagés dans une montée particulièrement raide. Le trafic est dense, et la pente est tellement abrupte que la moto a du mal à avancer, reculant même à l’arrêt. Maintenant on maîtrise véritablement l’art du démarrage en côte, un défi relevé avec succès malgré la difficulté.
Une fois arrivés au point de départ prévu pour le ferry, nous découvrons que ce que l’on nous a annoncé n’est qu’un bateau pour piétons, bien loin de l’imposant ferry auquel nous nous attendions. On cherche, on se renseigne, on nous indique que le ferry se trouve à quelques kilomètres en arrière. Nous rebroussons chemin, mais à notre grande déception, une fois arrivés sur le nouveau lieu indiqué, il n’y a toujours pas de ferry en vue. Heureusement, un couple sympathique en scooter, voyant notre désarroi, se propose de nous emmener jusqu’au véritable départ du ferry. Sans leur aide, jamais nous ne l’aurions trouvé.
Beykoz – Yeniçaga
La sortie d’Istanbul se déroule sans encombre. Bien que la circulation soit dense, elle est tout de même plus fluide qu’hier soir. Istanbul s’étend sur des kilomètres et la ville, avec son trafic intense, semble ne jamais vouloir s’interrompre.
Pour notre voyage, nous avons chacun nos outils de navigation. Denis, pour l’instant…, ne jure que par son BMW motorrad Connect. C’est un véritable bijou technologique. Une application haut de gamme, constamment mise à jour avec des innovations qui semblent sans fin. Il est configuré de manière à offrir une flexibilité totale. Ce GPS ne se contente pas de vous guider ; il est créatif : il peut éviter les routes à fort trafic, privilégier les trajets les plus économiques, mais aussi sélectionner des itinéraires réservés exclusivement aux moto BMW. On peut même lui demander de choisir des itinéraires adaptés aux trottinettes électriques, ou encore, offrir des directions qu’à ceux qui portent une barbe bien fournie. C’est l’outil indispensable pour voyager au long cours, à condition, bien sûr, qu’il n’y ait qu’une seule route, bien évidemment ! et encore, prendra-t’il la bonne direction?
Revenons à des choses plus sérieuses.
Après avoir quitté la capitale, nous arrivons à Yeniçaga, un petit village où nous croisons trois jeunes motards. Lorsque les jeunes apprennent l’âge de Denis, leur réaction est à la hauteur de leur surprise : ils lui baisent presque les pieds en signe de respect et d’admiration. Un moment à la fois drôle et touchant.
Yeniçaga – Ankara
Je pourrais intituler cette journée : “La vengeance de BMW”.
Quelques kilomètres seulement après notre départ, catastrophe : mon support GPS se casse net. 😡 Bien décidés à réparer ça, on prend la route pour Ankara.
Nous avions prévu de changer nos pneus à Ankara, dans une agence BMW. Pour ce faire, nous avions pris contact avec son boss pour lui commander deux trains de pneus.
Mais là, la première surprise : l’adresse inscrite dans le GPS nous amène droit vers… aucun garage. Normal, c’est un GPS BMW après tout !
On commence à se poser des questions, à chercher des infos, jusqu’à ce qu’on finisse par tomber sur l’adresse… Sauf que, c’est un minuscule garage Suzuki ! Le patron, tout sourire, nous explique que l’agence BMW a déménagé. Plutôt que de s’énerver, on se dit qu’il est temps de fêter ça autour d’un bon chaï bien graisseux. 🥳 . Il fallait voir l’état de la cuillère tout comme celui de la tasse.
On file enfin vers la nouvelle adresse. Et là, autre surprise : les pneus ne sont pas disponibles, et on n’est même pas sûrs qu’ils arrivent de sitôt. 🥵 C’est sûr, ça m’a gonflé sec.
On décide de chercher ailleurs. Le gars s’agite, se démène et, après quelques appels, nous annonce que les pneus seront là pour le lendemain après-midi.
Un peu fatigués par la journée, on trouve enfin un hôtel où poser nos valises. On commence à bricoler un peu le support GPS avec ce qu’on a sous la main. Pour ce soir, on en reste là. On se dirige vers un restaurant sympa juste à côté de l’hôtel, histoire de clore la journée sur une note plus agréable.
Demain, il faudra chercher de l’Araldite, acheter une carte SIM et, peut-être, récupérer les pneus.
On a aussi croisé deux policiers qui semblaient ne rien avoir à faire. Évidemment, on a immortalisé le moment avec une photo, juste pour le fun. Une journée pleine de surprises, en somme une journée banale.
Ankara – Göreme
Une journée comme je les aime, tout simplement magnifique.
On quitte Ankara sans trop de difficultés, et déjà, la route s’étend devant nous, bordée d’immenses champs qui semblent s’étirer à l’infini. Après les murs de béton de la ville, un peu de verdure, ça fait un bien fou ! Le paysage défile tranquillement, et l’air frais caresse nos visages, créant une sensation de liberté absolue.
Un peu plus loin, on se fait arrêter par la police pour un contrôle. Un rapide échange, et voilà que des sourires se dessinent sur nos visages. La conversation s’engage. L’un des policiers connaît Bâle, tandis qu’un autre, un peu perdu, ne sait même pas où se trouve la Suisse. C’est une rencontre sympathique, pleine de légèreté. On se quitte sur une poignée de main chaleureuse, suivie d’un “I love you” sincère, un clin d’œil à cette connexion humaine qui, parfois, se crée dans les situations les plus inattendues.
On poursuit notre route, et à un feu rouge, c’est un Turc qui nous interpelle. Il nous propose un verre avec une gentillesse désarmante. Il est coiffeur en Autriche et profite de son voyage pour rendre visite à sa famille en Turquie. Une rencontre fortuite, mais agréable, qui enrichit notre journée de cette belle touche de convivialité.
On reprend la route, direction la Cappadoce. Les paysages deviennent de plus en plus fascinants à mesure qu’on approche. On tourne autour de ces formations rocheuses surnommées “les cheminées de fées”, des “champignons” minéraux qui surgissent du sol comme des sculptures naturelles. Un véritable plaisir pour les yeux, une beauté irréelle, presque magique.
En explorant le site, on découvre un véritable labyrinthe de vallées et de grottes sculptées dans la roche, anciennes habitations troglodytes et églises byzantines. Les façades de ces habitations sont souvent encore marquées par les traces des habitants d’autrefois, et en entrant dans ces espaces creusés dans le tuf, on peut presque sentir la vie qui y régnait autrefois.
Les paysages qui s’étendent autour de Göreme sont également d’une beauté saisissante. Entre les cheminées de fées, les vallées verdoyantes, et les montagnes qui se dessinent à l’horizon, chaque vue offre une nouvelle perspective du site, tantôt douce et apaisante, tantôt grandiose et impressionnante.
Finalement, après une longue journée de route et d’émerveillement, on arrive à notre hôtel, trempés de sueur, épuisés mais heureux. Il fait une chaleur étouffante, et on sent que nos corps demandent une pause bien méritée. Il est temps de se reposer, de se remettre de cette journée incroyable et de se préparer pour la suite de l’aventure.
Göreme – Sivas Belediyesi
Et l’aventure continue… Mais cette fois, c’est la pluie qui nous surprend ! Le ciel se charge rapidement de nuages menaçants, et il n’en faut pas plus pour qu’on se mette à l’abri. Merci aux manchons, qui nous sauvent la mise en cette météo pour le moins capricieuse !
Le temps est tout sauf clément, et les nuages noirs s’amoncellent, fonçant droit vers notre destination. Alors, on prend la décision de faire une halte à Sivas. Quelques kilomètres avant d’arriver en ville, un drôle de phénomène se produit : ma moto se transforme en tapis volant. On dirait que je suis en train de danser le jerk, tout en serrant les fesses pour ne pas perdre l’équilibre. Honnêtement, je suis presque prêt à m’inscrire à l’Eurovision l’année prochaine – avec la posture et le déhanché déjà en place, je suis prêt !
Finalement, après un peu de danse involontaire, je constate que mon pneu arrière est complètement dégonflé. C’est la tuile. On se lance alors dans une petite exploration de la ville à la recherche d’un garagiste. Trois jeunes sympas viennent à notre rescousse et, après quelques coups de téléphone , on obtient l’adresse d’un garage. Mais même avec ça, ce n’est pas facile de trouver le bon endroit. Heureusement, avec un peu de persévérance, on finit par mettre la main sur le fameux goumiste.
Ce dernier se met immédiatement au travail, sans perdre une seconde. Il détecte la fuite autour de la valve du pneu, et décide d’emporter la roue complète dans un autre garage pour la réparer. En discutant un peu avec lui, on apprend que le spécialiste BMW d’Ankara avait pincé la chambre à air lors de l’installation. Heureusement que j’ai une chambre à air de réserve, sans quoi on aurait vraiment été dans de beaux draps !
Avant de repartir, le garagiste nous offre une boîte de biscuits en gage de sa gentillesse. Et tout ça pour la modique somme de 15 €. On échange quelques selfies et voilà, l’aventure peut reprendre. Une belle rencontre, vraiment. Un moment simple mais chaleureux, qui rappelle que parfois, c’est dans ces petites pauses imprévues que l’on trouve les plus grandes richesses de l’aventure.
Finalement, nous avons le temps de visiter la ville. Plus particulièrement la mosquée à double minaret, ou Çifte Minareli Camii, qui se dresse majestueusement au cœur de la ville, tel un témoin silencieux des siècles passés. Ce monument, véritable joyau architectural, incarne l’esprit et la grandeur d’une époque révolue, où l’art et la dévotion se mêlaient dans une harmonie parfaite.
Le portail d’entrée s’ouvre comme une porte vers un autre monde. L’arc en ogive qui le surmonte est magnifiquement décoré, son cadre en pierre finement sculpté laisse entrevoir des inscriptions en arabe, portant les mots des anciens sages et des versets du Coran. Ces calligraphies délicates, accompagnées de motifs floraux, nous murmurent des secrets millénaires, invitant chaque passant à se perdre dans la contemplation de la beauté spirituelle et architecturale du lieu.
Sivas Belediyesi – Kemaliye
Le ciel est plutôt bas ce matin, un gris lourd et menaçant flotte au-dessus de nous. On sent que la pluie n’est pas loin, prête à faire son entrée.
Après avoir traversé la ville de Zora, on prend à droite, et nous voilà partis pour 180 km de petites routes sinueuses. Au début, la route est plutôt chaotique, avec des portions défoncées qui secouent la moto et mettent à l’épreuve notre patience. Mais ce n’est rien comparé à la beauté du paysage qui s’étend devant nous. Les premiers 50 km sont un véritable défi pour nos pneus et nos nerfs, mais le spectacle offert par la nature est à couper le souffle. Les collines verdoyantes se mêlent aux formations rocheuses imposantes. Le vert tendre des champs se fond dans l’immensité minérale qui s’étale tout autour, offrant une palette de couleurs éclatantes et contrastées. Nos yeux sont saturés de beauté, mais il faudrait une multitude d’appareils photo pour tout immortaliser. Malheureusement, le temps presse, et nous devons continuer notre route, bien que l’envie de s’arrêter pour capturer chaque instant soit forte.
La température est fraîche, oscillant entre 10 et 13 degrés, une douceur qui frôle la fraîcheur. À mesure que l’on monte, on se rapproche des 2000 mètres d’altitude, et on se dit qu’il ne manquerait plus qu’un peu de neige pour couronner le tout. Les montagnes commencent à se faire plus imposantes, les cimes effleurent presque les nuages bas, et l’air devient plus vif.
Ce qui nous frappe le plus, c’est le calme qui règne autour de nous. À peine quelques voitures croisées sur cette route presque déserte. C’est une sensation étrange de rouler sur ces chemins étroits et déserts, presque seuls au monde. On se sent tout petits face à l’immensité de la nature, mais en même temps, c’est un sentiment de liberté totale.
Kemaliye – Erzurum
Ce fut une journée absolument magnifique, du début à la fin. Nous démarrons sous un ciel bleu éclatant, et bien qu’on nous ait annoncé de la neige à Erzurum, nous avons la chance d’y échapper.
La journée commence en beauté avec la découverte du Dark Canyon, un endroit tout simplement époustouflant. Nous traversons une succession de tunnels, chacun nous offrant un point de vue incroyable sur les gorges de l’Euphrate.
La beauté sauvage des lieux est superbe, et l’on ne peut s’empêcher de s’arrêter quelques instants pour apprécier le paysage. C’est comme entrer dans un autre monde, où la nature impose sa grandeur. Trop beau, vraiment.
Nous continuons notre route sur une petite route sinueuse, serpentant à travers des paysages splendides où le vert semble dominer. La végétation est luxuriante, et le contraste entre les montagnes et les forêts crée une harmonie parfaite. On a l’impression d’être seuls au monde, entourés seulement par la beauté de la nature.
Mais, comme souvent, la météo n’a pas tardé à changer. Les nuages commence à s’amonceler dans le ciel, et la température chute rapidement à mesure que l’on prend de l’altitude. L’air frais se fait plus mordant, et je peux vous dire que je me les suis bien caillé. Le froid devient plus intense, et l’on sent le vent glacial s’engouffrer dans nos vestes.
Puis, surprise : nous trouvons les chutes du Niagara turques. Une belle découverte ! Ce qui nous étonne, c’est qu’elles ne sont pas gelées malgré les températures bien fraîches.
Enfin, après une journée bien remplie et des paysages qui resteront gravés dans nos mémoires, nous atteignons Erzurum, juste avant que la pluie ne commence à tomber. La température est alors d’à peine 4 degrés, et le froid se glisse sous nos vêtements. Un dernier effort avant de se réfugier dans un endroit chaud pour profiter de cette journée qui, malgré le froid, restera l’une des plus belles de notre aventure.
Erzurum – Dogubayazit
Encore une fois, le jour se lève sous un ciel dégagé et ensoleillé. Le petit déjeuner est rapidement expédié, car honnêtement, il n’y a pas grand-chose qui me tente ce matin. Quelques concombres, des tomates, des piments ou des oignons… Ce n’est vraiment pas dans mes habitudes. Mais bon, je ne suis pas là pour ça. Le voyage continue, et ce qui m’importe avant tout, c’est la route et les découvertes qui m’attendent.
Nous prenons la route en direction de la frontière iranienne, notre objectif du jour étant de visiter le palace d’Ishak Paşa, ou du moins ce qu’il en reste, un vestige imposant du 18ème siècle. En arrivant sur place, l’ensemble se révèle plutôt bien conservé. Ce palais majestueux raconte l’histoire d’un homme puissant, Ishak Paşa, qui semblait avoir une grande maîtrise de l’art de la vie de cour.
En effet, avec un harem à gérer, il avait de quoi jouer à cache-cache, car chaque femme avait sa propre chambre, et je vous assure qu’il y en avait une sacrée quantité ! L’architecture du palais est tout simplement fascinante : chaque salle, chaque couloir porte la marque de l’époque et de la grandeur passée.
Après cette visite, il nous reste un peu de temps. Nous prenons la direction de la frontière Iranienne. Curieux de découvrir un autre phénomène naturel, nous souhaitons faire une petite escale pour découvrir un gigantesque trou laissé par une météorite qui a frappé la Terre il y a des siècles.
Nous sommes proches de notre objectif, mais à quelques kilomètres seulement de la frontière, l’aventure prend un tournant inattendu. Nous prenons une petite route qui nous mène à notre destination, mais également vers des militaires. Ces derniers, avec leur mitraillette en évidence, nous barrent la route. Nos tentatives de négociation sont vaines, et nos arguments semblent bien faibles face à leurs mitraillettes gros calibre. Bref, nous avons dû abdiquer.
Dogubayazit – Kars Merkez
Le départ se fait sous une température douce et agréable, avec ce sentiment toujours plaisant d’être enveloppé par la chaleur du soleil. C’est incroyable à quel point sa présence rend tout plus supportable. Le Mont Ararat, majestueux, se cache à moitié derrière des nuages, jouant à cache-cache avec nous. Finalement, nous réussissons à apercevoir un morceau de son sommet.
Nous longeons pendant des kilomètres la frontière arménienne. Il y a forcément plus de contrôles militaires et de présence policière. Cependant, chaque contrôle se déroule dans une ambiance détendue. Bien sûr, il y a toujours le petit “bleu” de service, un peu trop zélé, qui tente de se faire remarquer en appliquant la procédure à la lettre. Mais heureusement, un supérieur arrive rapidement pour remettre de l’ordre et calmer les ardeurs du jeunet.
Puis, tout change. Le ciel s’assombrit en un clin d’œil, et la température chute brusquement. Une pluie battante, accompagnée de vent et de grêle, nous assomme littéralement pendant les 60 derniers kilomètres. Il n’y a plus de doute, la météo n’est plus de notre côté. Lorsque j’ arrive enfin à l’hôtel, je suis trempé jusqu’aux os. Quant aux vêtements Klim que je porte, il faut bien admettre qu’ils ne sont plus aussi performants qu’auparavant.
Vu l’ampleur de la pluie, nous décidons de reporter la visite d’Ani à demain. On espère que le temps sera plus clément.
Kars Merkez – Akhallkalaki (Géorgie)
La journée débute par la visite d’Ani, une ancienne cité datant de 900 ans avant J.-C. La ville était un important carrefour commercial grâce à sa position sur les routes de la soie reliant l’Asie et l’Europe. Les ruines impressionnantes dominent le paysage, témoignant de l’ampleur passée de ce site historique. C’est fascinant de marcher parmi ces vestiges et de se plonger dans un passé lointain.
Ensuite, nous reprenons la route en direction de la frontière géorgienne. Les paysages sont absolument magnifiques. Nous longeons un lac d’un bleu éclatant. L’eau se confond avec le ciel.
Mais c’est à la douane que les choses commence à se compliquer. Le numéro de châssis d’une de nos motos ne correspond pas à celui enregistré lors de notre entrée en Turquie. Et devinez quoi ? L’erreur vient directement de la douane elle-même. Après plus de trois heures d’attente, le problème n’est toujours pas résolu.
Au départ, tout se déroule normalement. Nous surnommons le premier poste de douane “au nom de la rose”, en référence à l’aspect patibulaire du douanier. Le “moine” nous envoie vers le chef de poste, et là, la situation s’éclaircit. Le boss nous demande de nous rendre au guichet numéro 8, où Morat, après un contrôle des documents, nous annonce qu’il n’y a plus de problème. En toute confiance, nous retrouvons Mohamed (à force d’aller et retour, on finit par les connaître), le chef du poste, qui nous assure que tout est en ordre. Soulagés, nous reprenons nos motos pour le deuxième poste de douane. Mais notre joie est de courte durée : arrivés au troisième poste, rien n’est réglé, et nous devons retourner au premier, où “au nom de la rose” nous renvoie chez Mohamed (elles commencent à puer les roses). Le boss, un peu agacé cette fois, nous annonce qu’il nous faut patienter encore deux heures avant qu’une réponse ne vienne de la sortie de la Bulgarie. Denis commence a chauffer sec.
Alors, nous attendons… et encore attendons. Les heures s’étirent sans fin. Puis un douanier vient nous demander de revenir au poste numéro 1. Nous y allons, la fleur au fusil, mais “au nom de la rose” nous informe qu’il y a toujours un problème et qu’il faut encore voir le boss. Nous courrons une fois de plus dans son bureau, pour entendre que rien n’est résolu. Une nouvelle fois, il nous faut patienter. L’ennui et le froid commençent à nous ronger. Finalement, après une éternité, nous décidons de jouer notre dernière carte : installer une tente en plein milieu de la pelouse du poste. Mohamed, toujours aussi compréhensif, semble intéressé par notre idée. Nous partons chercher le matériel et nous revenons vers son bureau. À ce moment-là, il nous annonce qu’il y a une chance que nous puissions passer la douane encore ce soir-là. Il est déjà 22h.
Le temps continue de s’écouler, mais finalement, un douanier arrive et nous annonce que nous pouvons retourner au premier poste : tout est réglé. Bien que sceptiques, nous suivons ses indications. Cette fois, “au nom de la rose” semble totalement dépassé, et d’un geste presque désinvolte, il appuie sur la touche “OK”. Après plus de huit heures pour franchir les 200 mètres qui nous séparent de la Géorgie.
La nuit est tombée, mais nous devons continuer à rouler. Après quelques kilomètres, la route disparait sous nos roues, laissant place à une piste boueuse parsemée de grosses ornières. La piste est étroite, rendant impossible tout croisement.
Nous cherchons un endroit où installer notre tente. Pas facile, tout est boueux. Finalement, on se pose au bord de la route. On y voit rien et il fait un froid glacial. On se couche à passé 2h du matin… cool la retraite.
Akhalkalaki – Tmogvi
Nous nous réveillons dans un froid glacial. Tout autour de nous la nature est figée, comme si le monde avait été plongé dans un sommeil profond et glacé. La nuit a été un véritable défi, ponctuée de tremblements incessants sous l’effet du froid mordant. Le vent, en particulier, a soufflé sans relâche, apportant avec lui des frissons constants. Depuis hier matin, nos estomacs sont vides, et nos gorges, sèches. Ni nourriture, ni boisson, juste la froideur qui nous a accompagnés tout au long de ces longues heures. Mais le moment est venu de se remettre en marche. On plie notre campement, récupère nos affaires, et nous prenons la route, prêts à affronter ce qui nous attend.
La route ne cesse de nous surprendre. Chaque virage dissimule une nouvelle surprise. Les cratères surgissent de nulle part, mettant à l’épreuve notre endurance et notre patience. Ils nous rappellent que nous sommes loin des chemins bien tracés, loin du confort d’un monde plus civilisé. Et pourtant, cette traversée est aussi pleine de découvertes inattendues.
Au fil de notre périple, nous traversons des villages d’une extrême pauvreté. Les maisons sont petites, délabrées, parfois même inexistantes. Les regards des habitants, cependant, portent une dignité résolue malgré les conditions difficiles. La vie ici semble une lutte permanente.
Nous nous arrêtons dans un petit marché local pour faire un peu de change. L’échange est rapide mais précieux. Ensuite, nous trouvons enfin quelque chose à manger pour soulager notre faim. Cela semble si simple, mais après tant d’heures sans rien, chaque bouchée devient un véritable luxe. On reprend ensuite notre chemin, décidés à explorer un peu plus cette terre inconnue.
Notre objectif du moment, Vardzi un important village troglodyte. Une découverte fascinante, qui nous plonge dans un autre temps. Les habitations creusées dans la roche, les vestiges de ce mode de vie ancestral, nous rappellent l’ingéniosité humaine face à la nature et à ses défis. Le site est impressionnant, presque magique, offrant une vue splendide sur les montagnes environnantes. Nous prenons le temps d’explorer, de photographier, de laisser notre esprit vagabonder à travers les siècles.
Le soir approche, et nous trouvons un endroit sympa pour poser nos affaires. Cependant, pas question de dormir sous la tente ce soir. Nous sommes accueillis dans une lodge confortable. La cuisinière nous concocte un repas d’enfer composé de plats locaux et son fils nous propose une spécialité géorgienne.
Tmogvi – Mtskheta
Journée plutôt sympa. Les routes, bien que parfois un peu chaotiques, ne sont pas aussi défoncées qu’à d’autres moments de notre voyage. La circulation est fluide, ce qui nous permet de profiter pleinement des paysages qui défilent sous nos yeux. En traversant plusieurs villages, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser une question récurrente : comment les habitants parviennent-ils à vivre dans de telles conditions ? Les infrastructures sont rudimentaires, les maisons semblent fragiles, et pourtant, la vie continue. La résilience de ces communautés face à la dureté de l’existence est impressionnante.
Après un bon moment sur la route, nous décidons de nous arrêter près de la capitale. Nous tombons sur une vieille dame qui propose des chambres à louer pour un prix dérisoire. L’endroit est simple et chaleureux. La maison est petite mais accueillante, et les motos sont garées dans la cour, prêtes à repartir dès demain.
L’après-midi, nous partons à la découverte de la ville. Nous visitons un monastère entouré d’une imposante muraille qui témoigne de son passé tumultueux. Ce lieu, d’une grande sérénité, a été au fil des siècles un centre spirituel important. Les moines qui y résidaient produisaient notamment du vin, un héritage vieux de plusieurs générations.
Nous avons la chance d’assister à une partie d’une célébration de mariage, une scène vibrante de vie et de traditions. La ferveur religieuse des orthodoxes nous touche profondément. Les chants et les rituels créent une atmosphère unique, pleine de dignité et de spiritualité . Nous restons quelques instants en retrait, respectueux de ce moment intime, tout en étant émus par la beauté de la cérémonie.
En poursuivant notre promenade, nous nous retrouvons dans une petite ruelle animée, bordée d’échoppes vendant des souvenirs et des objets artisanaux. C’est l’occasion rêvée de flâner un peu et de goûter à des spécialités locales. Parmi les curiosités du coin, une boutique propose une glace au vin, une expérience vraiment surprenante. À la fois sucrée et légèrement alcoolisée, la saveur est originale, mais agréable.
Pour le repas du soir, nous choisissons un restaurant proposant des plats typiques. Nous choisissons des khinkalis, ou tout simplement des momos tibétains. Sorte de raviolis fourrés à la viande, très appréciés dans toute l’Asie.
Mtskheta – Stephansminda
Nous prenons la direction de la Russie.
J’avais entendu parler de sculptures gigantesques en recherchant des endroits où s’arrêter le long de l’autoroute militaire géorgienne entre Tbilissi et Kazbegi. Dans le petit village de Sno, le rêve d’un artiste d’éterniser les grands poètes, écrivains et rois de Géorgie a remodelé le paysage, créant ainsi un véritable musée en plein air composé de têtes de pierre géantes.
Une autre particularité m’avait intrigué. Situé quelque part sur la route militaire géorgienne entre une station de ski et le col de Jvari, le monument dédié à l’amitié russo-géorgienne apporte une touche colorée dans ce monde minéral. Contruite en 1983 Goudaouri est une grande structure ronde en pierre et en béton surplombant la Vallée du diable dans les montagnes du Caucase. Sur les faces internes du monument se trouve une grande fresque en carreaux qui s’étend sur toute la circonférence de la structure et représente des scènes de l’histoire géorgienne et russe.
En face de Stephansminda, perchée sur un promontoire avec en toile de fond le sommet du Kazbek, le plus haut sommet de Georgie, trône l’église de la trinité.
Stephansminda – Makatchkala (Russie)
Nous quittons la Géorgie en suivant la rive droite de la rivière Tchkheri, un affluent du fleuve Terek. Nous empruntons une gorge spectaculaire qui n’est pas sans rappeler celle de la vallée de Gondo. Les montagnes environnantes offrent un super panorama, et pour une fois, le froid ne vient pas gâcher le plaisir de rouler. Une douce parenthèse dans notre périple, où l’on peut presque savourer la chaleur relative.
Arrivés au poste de douane marquant la sortie de la Géorgie, l’ambiance se cristallise immédiatement. Le douanier scrute nos papiers avec minutie, mais impossible pour lui de trouver le sceau d’entrée dans le pays. S’en suit une montée d’adrénaline immédiate. Et si nous revivions le cauchemar administratif de la Turquie ? Le stress se fait plus intense à chaque minute. Après une éternité et de nombreuses discussions, il découvre enfin l’information manquante. Ouf, l’histoire s’arrête là. On s’en tire bien.
Nous continuons notre route. Ce qui attire particulièrement notre attention, c’est la quantité impressionnante d’épaves qui jalonnent le bord de la route. Voitures, camions, et autres véhicules hors d’usage gisent là, souvent dans un état lamentable, comme des témoins silencieux des aléas de la route ou de tracasseries administratives douanières.
Nous voilà à l’entrée d’un tunnel. Une épaisse fumée noire en sort, comme si des pneus sont en train de brûler à l’intérieur. Mais non, ce n’est “que” la pollution massive générée par les moteurs diesel des poids lourds. Une véritable suffocation mécanique.
Nous arrivons à la douane russe. En fait, elle se révèle nettement moins problématique que ce que nous redoutons. Il faut simplement se montrer patient… mais alors, très patient. Nous devons remplir un document. On y comprend pas grand chose. Un groupe de voyageur s’agglutine à un guichet qui pour l’instant est fermé. Lorsque la vitre s’ouvre, c’est une nuée de bras qui se lèvent dans l’espoir de pouvoir donner leur document. Trente secondes plus tard, le guichet se ferme. Seul quatre à cinq feuilles ont réussi à passer le passage. Et l’attente se poursuit. Il nous a fallu trois heures pour franchir la frontière. Un score tout à fait honorable.
Une fois en Russie, la surprise est au rendez-vous. Contrairement à ce que l’on imaginé, les restrictions imposées au pays sont peu perceptibles dans la vie quotidienne. L’économie est bien vivante, les chantiers de construction battent leur plein, et le parc automobile est globalement en bon état.
Cela dit, quelques curiosités locales ne manquent pas de capter notre attention. Nous croisons un véhicule roulant avec un essieu arrière complètement démoli, et un autre arrêté parce qu’il avait littéralement perdu la moitié de ses suspensions arrière. Des scènes surréalistes, mais qui illustrent une certaine débrouillardise dans l’adversité.
Makatchkala – Astrakhan
Nous sommes partis avec l’idée de couvrir un peu plus de 350 kilomètres aujourd’hui, mais au final, le compteur grimpera bien au-delà de nos prévisions. Dès que nous quittons l’hôtel, le paysage commence à changer. La végétation s’efface peu à peu, remplacée par des étendues arides. Les champs de céréales cèdent la place à des steppes désertiques, et les villages, d’abord épars, finissent par disparaître complètement.
Au loin, une immense cheminée d’usine déchire le ciel et crache un épais nuage noir, symbole brutal d’une pollution sans limite. Cela nous fait réfléchir. Chez nous, on s’accroche à nos normes écologiques en pensant qu’elles nous protègeront. Mais l’air ne connaît pas les frontières. Il voyage, libre et indifférent. C’est peut-être le moment de sortir de notre bulle et de réaliser que certains rêves relevant de l’écologie ne sont qu’illusion.
Un contrôle de police vient soudain briser la monotonie du trajet. Rien de grave, juste un arrêt rapide, presque une formalité. Puis nous quittons la route principale, guidés par l’espoir de rejoindre un hôtel trouvé sur Internet. Mais la réalité nous rattrape : impossible d’y rester. Pour l’un, les chambres sont complètes, pour l’autre, l’établissement ne peut tout simplement pas nous accueillir. Résignés, nous reprenons la route. Encore 166 kilomètres à parcourir.
Une fois de plus, nous arrivons tard à l’hôtel. La fatigue se fait sentir, mais ce n’est rien comparé à l’épreuve de la communication. Les Russes sont adorables, vraiment ; ils font de leur mieux pour nous aider, mais la barrière de la langue transforme chaque échange en un défi monumental. On gesticule, on parle avec une lenteur exagérée, parfois même on associe mots et gestes …rien n’y fait ! On a l’impression d’être des extraterrestres. Et leurs alphabets ! Impossible de s’y retrouver : un “M” qui n’est pas vraiment un “M”, des lettres qui ressemblent à des symboles sortis d’un grimoire… De quoi se sentir complètement perdu. Mais soyons honnêtes, peut-être que le problème vient aussi de nous. Après tout, débarquer ici sans parler un mot de russe et espérer une compréhension immédiate, c’est un peu présomptueux, non ?
Malgré tout, il y a une chose qui ne change pas : leur gentillesse. Les Russes se mettent en quatre pour nous aider, même quand la situation semble désespérée. Les contrôles de police, par exemple, commencent presque toujours par une chaleureuse poignée de main, un geste qui désamorce toute tension. Ils sont vraiment cool, ces flics russes.
Astrakhan – Atyrau (Kazakhstan)
Aujourd’hui, notre objectif est clair : franchir la frontière kirghize et avaler un bon nombre de kilomètre. Dès le départ, le GPS BMW, toujours le même, décide de jouer les aventuriers. Il perd le “nord”. Finalement, il ne tarde pas à retrouver les quatre points cardinaux. On pourrait croire qu’il a signé un partenariat secret avec l’office du tourisme local. Il nous guide à travers des marais somptueux. Des hordes de chevaux paissent tranquillement, les sabots dans l’eau, formant une scène d’une beauté sauvage. On avance émerveillés, savourant chaque instant.
La route nous réserve ensuite une surprise : un pont flottant. Oui, oui, un vrai pont qui ondule au rythme des vagues, des bourrasques de vent, et des voitures qui s’y aventurent. Traverser cette structure mouvante exige de la concentration, et autant dire que je n’ai pas eu le courage de m’arrêter pour une photo. Denis, dans son casque, éclate de rire. Il revit les carrousel de son enfance. Sa joie est communicative et donne un ton léger à cette traversée hors du commun.
Nous approchons de la frontière. Une interminable file de camions s’étire devant nous, des chauffeurs résignés attendant leur tour. Il y en a des centaines. Ils en ont pour des jours. Heureusement, pour nous, tout se passe comme dans un rêve. Un douanier jovial vient à notre rencontre, échange quelques mots, puis nous demande de le suivre. À partir de là, c’est presque du plaisir. Blagues et rires ponctuent les formalités. Il remarque même, hilare, que j’ai perdu pas mal de cheveux ! Une photo finale immortalise l’instant, et nous sommes prêts à repartir. Enfin, presque. Une jeune douanière, tout sourire, insiste pour jeter un œil à l’intérieur de nos sacs.
Côté kirghize, le passage est tout aussi simple. Une fois de l’autre côté, la route s’étend devant nous, large et impeccable. Mais tout autour, c’est le désert à perte de vue. Pour pimenter le trajet, l’office du tourisme semble avoir concocté des surprises : de courts tronçons de sable, de cailloux et de terre viennent casser la monotonie du trajet. Debout sur nos cale-pieds, nous roulons prudemment.
Enfin, nous trouvons refuge dans un hôtel tenu par un Américain. L’endroit est un véritable carrefour pour les anglophones de passage.
Atyrau
Aujourd’hui, c’est journée de repos. Arthur, le manager de notre hôtel, propose de nous accompagner pour découvrir la ville. Son enthousiasme est communicatif, et nous acceptons avec plaisir.
La ville est traversée par l’Oural, ce fleuve imposant qui rythme la vie locale. Mais il cache une menace : cet hiver, la Russie a connu des chutes de neige abondantes, et la fonte des neiges commence à gonfler dangereusement ses eaux. Plus au nord, plusieurs villes et villages sont déjà sous les eaux, victimes d’inondations spectaculaires. Ici, les habitants s’organisent : des murs de sacs de sable s’alignent le long des rives, formant des remparts précaires contre la montée des eaux. Pourtant, malgré leurs efforts, certaines terrasses proches du fleuve sont déjà envahies par l’eau. Tandis que nous observons ces scènes, une pensée furtive nous traverse : et si nous étions, nous aussi, rattrapés par cette montée inexorable ?
Notre visite commence par une halte à une mosquée majestueuse, un lieu empreint de sérénité et de spiritualité. Puis, nous découvrons un caravansérail chargé d’histoire, témoin d’un passé où marchands et voyageurs faisaient escale pour se reposer. Chaque lieu a une âme, et Arthur sait parfaitement nous en transmettre l’essence.
Entre deux visites, nous faisons une première pause pour manger. Puis, un peu plus tard, une deuxième. Les saveurs locales sont généreuses, et on se laisse facilement tenter par les plats riches et parfumés qui nous sont proposés.
Arthur, toujours soucieux de nous faire vivre une expérience authentique, nous invite ensuite chez lui pour nous plonger dans le quotidien d’une famille kirghize. Là-bas, l’hospitalité atteint son apogée. On partage un troisième repas, cette fois dans une ambiance encore plus conviviale. La table est remplie de plats traditionnels, et les discussions vont bon train.
Puis vient l’heure des discours. Chez les Kirghiz, chaque discours est ponctué d’un verre de vodka. Et il y a eu… beaucoup de discours. Les toasts s’enchaînent, les rires fusent, et l’atmosphère devient de plus en plus chaleureuse.
De retour à l’hôtel en fin de journée, on ne déroge pas à la règle : un quatrième repas nous attend. Malgré nos estomacs déjà bien remplis, on ne peut que se laisser porter par cette générosité débordante.