La crise du coronavirus a ébranlé le milieu touristique. Mes envies se sont retrouvées clouées au sol, à l’image de ces milliers d’avions qui n’ont plus pu lézarder le ciel en raison de la crise du coronavirus. Aujourd’hui, c’est tout le secteur du tourisme qui se réveille progressivement, certes encore un peu groggy, mais bien décidé à proposer aux touristes d’autres horizons que celui des murs de leur confinement.
La sensation extrême que procure le voyage peut paraître abstraite. Ce peut être perçu comme une futilité, loin des priorités existentielles. Et pourtant, je l’éprouve comme un besoin viscéral, une quête de liberté, un élément fondamental du « vivre ».
Denis s’est immédiatement montré ouvert à ma proposition de « partir ». Il ne nous restait plus qu’à « caler » les dates. Pour l’instant, la destination n’est pas importante… D’habitude, je prépare mes voyages. Je consulte les cartes, je me renseigne sur les spots à visiter et je « façonne » plus ou moins chaque étape. Pour ce trip, il n’en sera rien. Bien souvent, nous de savions pas où nous irions dans les deux prochaines heures. Nous avions la date de départ et celle d’arrivée, c’était largement suffisant.
3932km 21/06/21-21/07/02
Le jour « J » et à l’heure « H », nous avons mis le cap à « l’est ». Il fallait bien choisir une direction… Mais, une pause c’est de suite imposée… partir le ventre vide…!! Cafés, croissants sont les bienvenus. La deuxième… à Gletsch. Denis revient du self avec cafés et pâtisseries. Gletsch n’est pas forcément le meilleur endroit pour s’arrêter… les consos sont sur-évaluées, en terme de prix … mais voilà, il fallait bien se ravitailler avant la montée du col de la Furka. Midi sonne au clocher du village pour nous annoncer une nouvelle pause à Laax aux Grisons. Jusque là, on a roulé tranquillement, juste pour le plaisir de voir de beaux paysages se dérouler sous nos yeux. Oh!, il y a bien eu cette longue file de camions entrecoupée de voitures hésitantes… en tout cas, nous n’avons pas hésiter…
On a traversé le Liechtenstein et poursuivi notre route jusqu’à Feldkirch. C’est là que nous avons rencontré le loup!
Mais aussi la possibilité de rejoindre Vienne dans la nuit. « Enfiler » nos motos dans le long corridor que forme la juxtaposition des wagons, n’est pas chose aisée. C’est littéralement couché sur nos réservoirs que nous y parvenons. Le port du casque est ici vivement conseillé !
Une fois installé dans nos cabines, une charmante hôtesse est venue nous prévenir qu’il était nécessaire de nous enfermer, les probabilités d’un vol ne sont pas à exclure. Oui, mais voilà, la porte ne se ferme pas… alors, on bricole un truc… Une chose est certaine, personne n’est venu…
Hainburg an der Donau nous accueille pour un petit-déjeuner vite fait. C’est que la route est longue lorsque l’on ne sait pas où l’on va.On évite Bratislava, trop de monde, trop de circulation. En sens inverse, la colonne de camions et de voitures s’étend sur des kilomètres… On a de la chance, on est dans le bon sens. La température monte rapidement. On frôle les 30 degrés. Un urgent besoin de se rafraichir se fait sentir. Une piscine serait la bienvenue… On aurait pu faire trempette dans la piscine d’un hôtel à Levice en Slovaquie. Peut-être par la crainte de nous faire dévorer tout nu, heuu tout cru, on a finalement renoncé. Et puis, il n’y avait pas de sirène…, mais des fauves en cages.
Comme nous ne savons pas où aller, on se dit qu’on pourrait tout à fait rejoindre les montagnes au nord du pays. Nous passons la nuit à Banska Bytrica au pied des Monts de Tatras. Comme a notre habitude, on prend notre temps… Le temps de se doucher, le temps de rien faire, mais surtout le temps de prendre l’apéro. Finalement, lorsqu’on se décide de nous mettre à la recherche d’un restaurant, ils sont presque tous fermés… On trouve tout de même notre bonheur dans un pub.
Toujours à la recherche d’un peu de fraicheur, mais ne sachant toujours pas où nous allons, nous nous réfugions dans les montagnes de Tatras. Ce sont les plus hautes montagnes de Slovaquie, mais aussi de toute la chaîne des Carpates. Cela dit, en termes de superficie, c’est la plus petite chaîne de montagnes du monde de cette altitude. On y trouve des vallées verdoyantes, de denses forêts de hêtres ou de sapins des Carpates.
Seulement voilà, le 19 novembre 2004 une violente tempête s’abattait sur le versant slovaque des Tatras, détruisant les deux-tiers de la forêt. Les versants ainsi dénudés découvrent les différentes stations et ravivent dans le paysage les cicatrices des pistes de ski, dévoilant l’ampleur de l’urbanisation et des aménagements à l’intérieur du Parc national. Cette catastrophe, au-delà d’une crise environnementale, révèle la grande vulnérabilité de ce massif touristique et l’évidente fragilité de ces « Alpes de poche ». S’il demeure aujourd’hui quelques habitations préservées, le reste n’est qu’un immense « luna park » où s’entassent pêlemêle des touristes en quête d’évasion.
En nous rendant en Pologne, nous franchissons une nouvelle frontière. Nous longeons la rivière Dunajec où d’archaïques embarcations dérivent sur des eaux calmes. Plus loin le lac Czorsztyn abrite le château de Niedzica. La foule est ici importante. Impossible de trouver une place de parc. Nous poursuivons notre route jusqu’au premier restaurant rencontré. On y fait halte. On consulte la carte et on estime les prix proposés largement surfait. Alors, on décide de poursuivre notre route vers un endroit moins touristique.
Il faut dire que tout au long de notre trip, nous n’avons utilisé que des euros. Il ne nous serait pas venu à l’idée de faire du change. Ce n’est que lorsque nous nous sommes arrêtés pour manger une morce, que nous avons constaté que les montants affichés sont exprimés en zlotis et non plus en euros.
On passe une nouvelle fois en Slovaquie, non sans avoir traversé Zakopane et Chocholow. Deux villages à l’architecture montagnarde typique des Tatras. Fondés au XVIe siècle, la plupart des maisons ici date du XIXe siècle. L’ensemble est remarquable pour sa cohérence. On peut facilement avoir l’impression d’être transporté dans une autre époque.La traversée de la Slovaquie, tout comme celle de la Hongrie, ne m’emballe pas particulièrement. De vastes plaines brûlées par le soleil où la seule attraction réside dans l’espoir de ne pas s’endormir, ou de pouvoir doubler un camion.
Quelques kilomètres après avoir passé la frontière hongroise, on est invité à boire un café dans une famille tout à fait normale. Monsieur et madame sont aussi large que long, deux vrais géants hongrois. Leur histoire est simple. Ils bénéficient d’un grand terrain sans aucun endroit où s’abriter du soleil et ils souhaitent le transformer en terrain de camping. Nous pourrions tout à fait être leur premier client… sauf que voilà, nous n’avons pas de matériel de camping!! Nous déclinons poliment leur offre non sans avoir goûter à leur café. On se dit tout de même que si tous les hongrois ont leur taille, nous ne nous disputerons pas avec eux. Même à deux, nous ne ferons pas le poids.A Vac, nous traversons le fleuve. En principe à heure fixe, le bac relie infatigablement, en suspendant quelque peu le temps, les habitants d’une rive à l’autre, mais aussi le fleuve à ses riverains. Prendre le bac c’est choisir une autre forme de navigation au rythme du fleuve, parfois dans une « dérive » contrariée vers l’aval par un remorqueur guidant la barge vers sa destination.
Au carrefour de routes continentales, Budapest est située au contact de la plaine de Hongrie et des collines des Carpates. Ville riveraine du Danube, Buda se dresse sur un éperon rocheux alors que Pest est au niveau de la plaine. Coupoles de bronze, mosaïques multicolores, étain bleu, la ville sur le Danube dégage un charme nostalgique. De nombreux bâtiments prestigieux du XIXe siècle ornent les boulevards de Budapest, comme son château de Buda, sa basilique Saint-Étienne, ses thermes et son parlement gigantesque.
Le programme est alléchant mais par 40 degrés ça relève d’une performance insoutenable pour nous. On se satisfait de quelques découvertes en se promettant d’y revenir plus tard.
On quitte la Hongrie puis la Croatie non sans avoir fait une petite incursion en Slovénie. Nous constatons que nos pneus s’usent peu, mais de façon régulière. A ce rythme, il va nous falloir les changer. On verra bien si on croise un garage sur notre route. Mais arrivé en Bosnie, l’urgence d’un changement de pneumatiques ce fait sérieusement sentir. Au début du périple, nous avaions bien constaté un vulgaire clou qui avait trouvé refuge dans ma roue arrière, mais nous ne nous étions pas particulièrement inquiétés. Sous l’effet du frottement sur le macadam, le clou a presque totalement disparu, laissant la place à un trou invisible mais « fuyant ».
En arrivant à Banja Luka, on croise un convoi de bikers roulant bien comme il faut. Denis n’hésite pas une seconde et leur fait signe de s’arrêter. Connaissant bien l’individu, je me demande ce qu’il a dans la tête… il veut juste connaître où ces bikers changent leurs pneus. Simple question logistique!
« Ok! ok! mais d’abord il faut aller boire un jus!!! » et c’est entouré de motos pétaradantes que nous rentrons dans Banja Luka. C0mme il se doit, le « Président » en tête du convoi, nous, escortés de chaque côté par un biker arborant les couleurs de son club sur son gilet de cuir. Pas moyen de nous échappé, on est pris au « piège », en tout cas jusqu’à leur stamm.
Ici, pas moyen de payer notre verre, nous sommes leurs invités. On discute, on échange sur notre trip, moitié en allemand ou en anglais. On parle moto, mais pas que… Ils ont crée leur propre club de motards, mais peu d’entre eux ont les moyens de s’offrir une Harley Davidson. Alors, ils se sont débrouillés avec les moyens du bord. D’abord trouver une vieille moto dont ils ont enlevé tout les signes possible de reconnaissance, puis ils ont modifié le pot d’échappement. Il fallait bien que tout ça fasse du bruit… Au final, ce sont d’anciennes Suzuki ou Honda, l’illusion est total, tout comme leur plaisir de rouler ainsi.
Malheureusement, nous devons décliner une offre pour un rassemblement motards à 60 kilomètres de là. La fatigue, les kilomètres, rouler la nuit, la langue et surement la perspective d’abus d’alcool ont fait que nous avons préférer la sagesse au débordement possible. Alors, ils nous ont laissé, sachant que quelqu’un viendrait nous chercher pour nous conduire dans un garage… comme promis.
On est un samedi, vers 19h00, lorsqu’un grand gaillard au crâne dégarni débarque au stamm. Et c’est reparti pour une tournée de bière… Finalement on le suit à travers la ville. C’est notre garagiste qui nous conduit à son garage. La plaque d’immatriculation de son deux roues est protégée par un masque chirurgical, faudrait pas qu’elle attrape le covid… En fait, l’amende pour une plaque d’immatriculation non visible est moins cher que celle pour un excès de vitesse… je vous laisse imaginer l’humour du gaillard.
Une fois les motos installées sur le lift, nous le laissons à ses « œuvres » tandis que nous nous réfugions au bord de la rivière pour siroter une nouvelle bière… chacun son travail. Lorsque nos motos sont prêtes, il fait presque nuit. Il nous faut encore trouver un hôtel. C’est alors que Bojan Majkic, le garagiste en question, empoigne son téléphone et après quelques palabres nous indique que tout est en ordre. L’hôtel est réservé, nous sommes attendus.
Nous avons passé la nuit à l’hôtel Fortuna. C’est un grand complexe hôtelier entourant plusieurs piscines. Ce matin, nous avons de la peine à nous mettre en route. Après un petit-déjeuner copieux, commandé par le directeur de l’établissement, nous nous résignons à poursuivre notre route. C’est dans le garage, à la recherche d’un peu de fraicheur, que nous définissons les deux prochaines heures de notre trip. Sur l’heure de midi nous partons. Et c’est naturellement que nous arrivons à Mostar.
La ville historique de Mostar, nichée dans la profonde vallée de Neretva, est une ancienne ville frontière ottomane. Mostar se caractérise par ses maisons turques anciennes et par le vieux pont, Stari Most, qui lui a valu son nom. Lors des conflits des années 1990, la majeure partie de la ville historique et le vieux pont du célèbre architecte Sinan ont cependant été détruits. Le vieux pont a été reconstruit et de nombreux édifices de la vieille ville ont été restaurés ou rebâtis avec l’aide de l’UNESCO. Le pont reconstruit et la vieille ville de Mostar sont un symbole de la coopération internationale et de la coexistence de diverses communautés culturelles, ethniques et religieuses. Mais tout n’est pas simple et la cohabitation reste fragile.
Nous poursuivons notre périple vers le sud. Arrivé à Stolac, la circulation est bloquée par une procession orthodoxe qui fête la Saint Vitus. C’est l’occasion de faire connaissance avec les coutumes et rites locaux. Danses, chants et sonneurs de cloches animent la cérémonie.Parfois on croise d’immenses plaines insérées dans chapelet de montagnes, comme ici vers Fatnica.
Et d’autres fois, des lacs d’un bleu d’azur comme celui de Bilecko Jezero
ou de Slano
Jusque là, nous maitrisions notre gps avec une certaine habileté. Oh!, il y a bien eu quelques couacs où la route projetée avait subitement disparue de notre écran. Mais là, nous avons découvert une option supplémentaire : « route sinueuse et merdique »!! Le principe est simple, imaginons une route étroite au possible (si possible où il est impossible de croiser deux voitures venant à sens inverse) et rajoutons en son centre une bande d’herbe folle. Pour corser l’affaire, ou plutôt, pour y rajouter du plaisir, parsemons là de parpaings de taille diverse et pourquoi pas de cratères « en construction ». Ce qui nous a tout de même permis de découvrir le magnifique lac de Skadar et son bras de rivière couvert de nénuphars serpentant entre des montagnes verdoyantes .
Sur la route, il n’est pas rare de croiser un voyageur au rythme plus lent.
Bar, ville du Monténégro, est notre destination finale pour la journée
Nous approchons de la date de fin de notre périple. Nous souhaitons pouvoir rejoindre Igoumenitsa en Grèce afin de prendre un ferry pour l’Italie. Pour ce faire, il faut que nous puissions traverser l’Albanie. Jusque là, nous n’avons rencontré aucun problème douanier, ni en rapport au Covid. Une fois que nous avons quitté le Monténégro, nous prenons la direction de Kukës en Albanie. Pourquoi s’éloigner de la côte, alors qu’il nous reste juste deux jours avant le ferry? Impossible de répondre à cette question. Nous avons activé l’option » route sinueuse et merdique » et c’est sourire aux lèvres que nous avalons les kilomètres. Les routes albanaises sont particulièrement sinueuses et peu entretenues. En tout cas, celles que nous avons empruntées. A peine avons nous achevé un virage que le suivant arrive à grande vitesse dans l’autre sens. C’est un ping-pong, gauche droite, pour la journée entière et c’est relativement « cassés » que nous arrivons à Kukës. Je crois bien que nous avons réussi à trouver l’hôtel le plus « pourri » de la ville: une climatisation absente, pas de wifi, une chaleur tropicale et un ventilateur bruyant. On est heureux, et c’est l’essentiel.
En consultant attentivement, mais alors attentivement, la carte, nous nous demandons ce que nous faisons dans cette ville située relativement au nord de l’Albanie, alors que le lendemain nous devrons nous rendre à plus de sept heures de route de là. Il y a des choses qui ne s’explique pas… pris par l’euphorie du trip, nous n’avons pas réalisé que toutes bonnes choses ont une fin.
Il nous faut être réaliste, pour une fois il faut que nous planifions notre itinéraire sur plus de deux heures…!!! C’est tôt le matin que nous reprenons la route, de toute façon, vu le confort de la chambre, nous ne dormions pas.
Au passage de douane de Kakavia en sortant d’Albanie, de longues lignées de tables sont installées. Les occupants des cars doivent quitter leur siège. Des valises sont ouvertes, fouillées… Pour entrer en Grèce même cirque… par contre, la file de voitures s’étend sur plusieurs kilomètres. On se faufile, on dépasse tout le monde… Au poste douanier, des infirmières en santé publique contrôle les documents sanitaires des voyageurs. Nous leur exhibons notre pass sanitaire. Que nenni, personne ne sait le lire !! Il faut attendre la décision d’un supérieur hiérarchique… Il y règne une véritable confusion. D’un côté les bus de voyageurs sont méticuleusement fouillés; de l’autre de nombreuses personnes, passeport à la main se pressent au guichet; au milieu, une équipe sanitaire complètement débordée. Devant nous le chauffeur d’une voiture se prépare à quitter la douane. A son départ, nous lui emboîtons la « roue »… mettant ainsi fin à la confusion, tout au moins pour nous.
Peu après la douane, nous bifurquons à droite, toujours avec l’option « route sinueuse… ». Cependant, nous rajoutons un critère « route défoncée ou absente ». Et c’est tout sourire que nous partons sur une route de montagne devenant de plus en plus étroite, voir même inexistante. Comme pour mettre un peu plus de panache a cette journée, nos brêles se mettent sur la réserve. A force, la jauge descend inexorablement et toujours pas la moindre station d’essence en vue, ni même une habitation.
Finalement, nous croisons un hameau avec une terrasse donc un café. Trois grecs assis à table en train de se restaurer. Il n’en fallait pas plus pour qu’on se renseigne sur notre destinée… Les trois comiques partent en éclat de rire lorsqu’ils comprennent nos difficultés à trouver de l’essence. Il y aurait une pompe à plus d’une trentaine de kilomètres. Ça tombe bien, la jauge indique trente kilomètres. Pour l’instant, c’est l’heure de prendre des forces au cas où nous devrions pousser nos montures.
Finalement, c’est en roue libre que nous rejoignons la « divine » station d’essence. En route pour le port d’Igoumenitsa, Ancône et retour en Suisse.
Pour ce trip, nous avons traversé 14 pays, sans rencontré aucun problème par rapport au Covid. A croire qu’il n’existe pas… et pourtant…